dimanche 29 mai 2022

 

" qui que soit le premier ministre : pas de miracle "

 

Résistons ensemble

Bulletin mensuel n°204 du 29 mai 2022


Recevoir ce bulletin par lnternet : contact@resistons.lautre.net. Site internet : http ://resistons.lautre.net/

Le réseau Résistons ensemble a été formé à la suite du Forum de Saint-Denis, le 26 mai 2002, au cours duquel s’étaient rencontrés des collectifs locaux (Lyon, Strasbourg, Rouen,
Nantes, Draguignan, etc.) ainsi que des individus et une série d’organisations et d’associations, tous décidés à œuvrer contre les violences policières et sécuritaires. RE n’est donc pas
une organisation politique. Son but est d’informer, de briser l’isolement des victimes des violences policières et sécuritaires et de contribuer à leur auto-organisation.

Pas de miracles, qui que soit le premier ministre


Le costume de premier ministre est eni-
vrant. On a envie de l’enfiler avant même
d’y avoir droit. Mélenchon n’a pas échappé
à cette tentation. Suite à la manifesta -
tion parisienne du 1er mai, il a qualifié
de“parasitaire“l’attaque des agences
bancaires,immobilières et bureaux
d’assurance,par des jeunes du cortège
de tête. Voilà des paroles dignes d’un
homme qui aspire à être le premier
ministre du président Macron. Approuver
ou pas l’efficacité anticapitaliste du cas-
sage de vitrines, la question n’est pas
là. Mais comment peut-on mépriser la
volonté de s’attaquer au capitalisme
d’une partie de la jeunesse, quand on
prétend représenter le peuple exploité
et opprimé ?
Le programme de la NUP pour un gouver-
nement partagé nous éclaire davantage
sur le contenu des paroles de Mélanchon.
Ces 650 propositions engourdissent l’es-
prit . Les points importants, comme la
retraite à 60 ans ou le SMIC à 1500 euros,
la suppression des lois dites « sécurité
globale » et contre le « séparatisme »,
côtoient des propositions qui les dévaluent,
par exemple: exiger que Macron refuse le
titre honorifique de chanoine de Latran (une
église de Rome) accordé par le Pape, ou la
création d’un service public national pour
l’éradication des punaises de lit.
D’une part la NUP est pour la régularisa-
tion des sans papiers mais de l’autre elle
se tait sur l’exigence minimale de la fer -
meture des centres de rétention.Elle veut
amnistier les manifestants mais à condi-
tion qu’ils participent à des manifestations
«légales et non violentes».Comment faire
confiance à Mélanchon et ses alliés pour
définir ce qui est « légal et non violent »
quand ils proposent de redéployer les
principaux outils des violences policières,la
BAC et la BRAV, au lieu de les supprimer?
Après cette belle entente quant à la police,
arrive la torpille du PS contre une proposi-
tion juste et essentielle qui vise à rempla-
cer le sinistre IGPN par une Commission
d‘enquête indépendante sur les violences
policières. Pour le PS,
les «violences policières» n’existent
pas. Rappelons- nous que le 19 mai
2021 le syndicat policier d’extrême
droite Alliance avait manifesté devant
l’Assemblée Nationale, avec la par-
ticipation de Darmanin, Marine le
Pen pour le RN et, toute honte bue,
les chefs des partis dits de gauche:
PS, PCF et Verts. (Voir RE 197). Seul
Mélanchon en était absent, ce qui lui a
en partie valu ses 22 % aux présiden-
tielles, acquis en très grande partie
grâce au vote des quartiers popu-
laires.Leurs habitants ont espéré
qu’il pourrait être un rempart contre
le racisme et l’islamophobie de l’Etat
et de sa police, mais aussi être enfin
représentés politiquement à l’échelle
nationale. Mais ,quand est arrivée
l’heure des bureaucrates chargés de
distribuer les candidatures investies
par la NUP, ces populations ont été
brutalement mises de côté.
Finalement les 650 propositions de
la NUP ne sont pas inutiles : elles
permettent de voir comment des
mesures qui vont dans le sens des
besoins des populations travailleuses
et nécessiteuses sont abîmées ou
annulées par les contorsions des
apparatchiks.
La victoire de la NUP aux élections
législatives de juin permettrait-
elle de respirer un peu entre deux
attaques de Macron? C’est possible,
mais pas d’illusions, pas de miracle.
Mélanchon élu serait, de toute façon,
le premier ministre de la Vème
République dirigé par le président,
Bonaparte Macron.



Chronique de l’arbitraire



Refus d’obtempérer? La police tire à vue


Dimanche 24 avril, une voiture est garée sur un passage
clouté quai des Orfèvres près du Pont Neuf, un homme
monte à l’arrière. Des policiers de l’unité mobile d’inter-
vention et de protection (créée en 2019 après qu’un
informaticien de la préfecture de police de Paris a tué
certains de ses collègues)décident de procéder à un
contrôle. Ils s’approchent, la voiture démarre pour
fuir, l’un des flics tire avec son arme de guerre, un fusil
d’assaut HKG36, près de 10 fois, en rafale sur la voiture.
Il tue le conducteur et le passager avant, deux frères
habitants du quartier des Amandiers dans le XXème,et
blesse le troisième homme. Il est mis en examen pour
homicide volontaire. Le syndicat policier Alliance crie
au scandale et appelle à un rassemblement le 2 mai
pour défendre la « présomption de légitime défense
des policiers », mesure des programmes de Le Pen et
Zemmour. Bref, pour eux, les flics ont un permis de tuer
et la justice n’a pas à se mêler des leurs affaires. C’est
ce qui a conduit certains collectifs a appeler à une contre
manifestation à la Fontaine Saint Michel afin de protester
contre l’impunité policière et réclamer l’abrogation de
la loi L 435-1 de 2017, qui permet l’élargissement de
la légitime défense pour les flics auteurs de violence.
Cette manif a été tout de suite réprimée par la police :
nasse , verbalisations et interpellations de 3 participants
dont Amal Bentousni infatigable militante contre les
violences policières et sœur d’Amine, abattu dans le
dos en 2012 par un policier qui a été condamné ,avant
la loi de 2017, à cinq de prison (avec sursis et sans
interdiction d’exercer). Amal est convoquée le 11 août
devant le Tribunal de Paris pour participation à une
manifestation interdite.


L’Etat bénéficie d’une nouvelle arme…


... un alinéa de la loi «relative à la responsabilité pénale et
à la sécurité intérieure» de janvier 22 qui permet désor-
mais de prendre par la force la signalétique (empreintes
digitales, photos et ADN) de personnes refusant de la
donner. Le 22 avril dernier, plusieurs personnes s’étant
rassemblées pour protester contre l’expulsion du squat
du Marbré, en ont fait les frais.



« On veut la vérité ! »


Le 17 mai 2020, Sabri jeune Argenteuillais de
18 ans meurt au volant de sa moto après avoir
croisé la BAC. Le Parquet de Pontoise classe
l’affaire comme accident. Mais la famille a porté
plainte avec constitution de partie civile en 2021,
et attend de l’instruction des réponses sur les
très nombreuses zones d’ombre de l’affaire.
Ce 21 mai 2022, une nouvelle marche a traversé
Argenteuil de la gare à la Dalle. De nombreux
collectifs Vérité et Justice étaient présents pour
soutenir la famille et son combat, ceux de Babacar,
Olivio, Ibo, Lamine, Adama... ainsi que celui des
mutilés par la police. Assa Traoré a annoncé
que la marche pour Adama aurait lieu le samedi
2 juillet à Beaumont sur Oise, ce sera la sixième !

Torturé en GAV au commissariat
de Juvisy-sur-Orge

Le 13 mai, Mahedine Tazamoucht 19 ans et sa
famille ont déposé une plainte à l’IGPN. Quelques
jours plus tôt, Mahedine et deux amis passaient
la soirée dans leur voiture garée sur un parking
près de chez eux, buvant des coups et écoutant
de la musique. Vers 3h du matin, il rentre chez
lui mais s’apercevant qu’il n’a pas ses clefs, il fait
demi-tour et voit alors que 3 flics sont en train
de contrôler ses copains. Ceux-ci s’approchent
de lui et sans un mot l’agrippent, le jettent au
sol et le menotte après l’avoir gazé plusieurs
fois en plein visage. Les 3 amis sont embarqués,
sur le chemin, Mahedine a du mal à respirer,
il est emmené aux urgences. À peine arrivé
dans le hall de l’hôpital, il crie que les flics l’ont
violenté sans raison. Ceux-ci le ramènent dans
la voiture direction le commissariat où il va vivre
la pire nuit de son existence: «c’était de la torture,
de l’humiliation. J’étais assis sur une chaise, en
caleçon, menotté, et ils me tapaient.» Il témoigne
également des coups de tasers qu’ils lui ont
appliqué notamment sur les parties intimes, pour
s’amuser. Le lendemain il est méconnaissable et
profondément choqué. Ses parents n’entendent
pas lâcher l’affaire.

L’éducation nationale choisit son camps

L’affaire est ubuesque. Depuis le début de l’année
scolaire, les enseignants de l’école Pasteur de Saint
Denis alertent les autorités sur la gestion, maltraitante
pour les personnels et dangereuse pour les élèves,de la
directrice.La direction des services décide de diligenter
une enquête administrative dont personne ne connaît
encore les conclusions. La directrice qui a dénoncé
ses collègues sur un média d’extrême droite , les
diffamant en les nommant et en diffusant leur numéro
de téléphone et les accusant de « gauchisme », est
promue à un poste administratif. 6 des enseignants
sont quant à eux mutés « dans l’intérêt du service »
alors même qu’ils sont soutenus par les parents
d’élèves et l’ensemble de leurs collègues présents et
passés. Le Pen/Macron même cible, même combat?

«Violence policière en milieu rural»

C’est ce que considèrent les 80 participants au rassem-
blement organisé le 21 mai dernier à Trivy en pleine
campagne bourguignonne. Ils sont venus, à l’appel de
la famille, pour réclamer justice pour Jérôme Laronze.
Ce paysan accablé par les contrôles administratifs qui
avait fui sa ferme et a été dépeint comme dangereux
par les médias locaux, a été tué par les gendarmes
de 3 balles dans le corps alors qu’il était au volant
de sa voiture, il y a cinq ans, le 20 mai 2017. Depuis
l’instruction n’avance pas mais les contrôles qu’il
subissait ont été jugés illégaux. Sa famille veut la
vérité: la moindre des choses.

Vive la Palestine

Plusieurs protestations ont eu lieu en France contre
l’assassinat de la journaliste palestinienne Shireen par
l’armée israélienne, l’agression honteuse du cortège
funéraire et le silence complice du gouvernement fran-
çais. À Paris pendant le week-end du 14-15 mai, il y a eu
un rassemblement à République et devant le Palais de
Chaillot où le ballet officiel israélien se produisait. Cette
fête pro-sioniste a été perturbée par deux militantes
courageuses qui ont réussi a déployer dans la salle le
drapeau palestinien avec les cris «Vive la Palestine» !
Vidéo: https://europalestine.com/2022/05/15/la-palestine-
interrompt-la-troupe-de-danse-israelienne-au-palais






«Y a des familles et ils gazent»

Le 15 avril à Aulnay-sous-Bois dans le quartier de
la Rose-des-Vents la police cherche à interpeller un
jeune homme à scooter pour un refus d’obtempérer.
Au cœur de la cité des 3000, l’accueil est mauvais,
une dizaine de voitures sont appelées en renfort.
109 tirs de lanceur de balles de défense et 106 jets
de grenades incapacitantes... Une mère de famille
avec sa fille de 1 an et sa nièce de 8 ans ciblées par
le gaz lacrymogène raconte. «La police n’a pas trouvé
mieux que d’attendre d’être à l’endroit où il y avait le plus
de monde pour gazer alors qu’on n’avait rien à voir. »
Le 2 mai en fin de journée dans une zone pavil-
lonnaire du Val-Fourré la police est à la recherche
d’un jeune homme de 18 ans. Dans le quartier
beaucoup sont en famille pour fêter l’Aïd, les enfants
jouent dans la rue, les grands-parents au salon...
Le jeune homme réfugié dans un pavillon accepte
de se rendre. « Ce quartier, c’est un grand village et
quand on a vu passer ces voitures de police et ces
uniformes, beaucoup de monde est sorti pour voir quel
était le problème» explique un témoin. C’est la que
la police décide de faire usage de la force. «Ils n’ont
pas cherché à comprendre, ils ont tiré des grenades
lacrymogènes. On en a ramassé tout un sac! »

Heureusement, il y a la Justice!

Dylan aura passé 18 mois en détention sur la base
de faux procès-verbaux, rédigés par les enquêteurs
avant d’être innocenté. C’était dans l’affaire de Viry-
Châtillon, (voir RE198). Depuis le procès en appel
et le travail des avocats de la défense, plusieurs
prévenus ont porté plainte pour « faux en écriture
publique », « violences volontaires » et « tentative
d’escroquerie au jugement». Enième pression des
forces de l’ordre: un des policier mis en accusation
a depuis porté plainte à son tour contre Dylan. Il se
rappelle, « à la fin de l’audience, j’ai simplement dit
à l’un d’entre eux “je vais porter plainte contre vous.
Vous devrez rendre compte devant la justice”. Ça n’a
rien d’une menace. Mais, encore une fois, il falsifie la
vérité. Il s’acharne. » Ce policier et non seulement
accusé de faux en écriture mais aussi de violences
sur plusieurs prévenus lors des auditions. «C’est
terrifiant de constater avec quelle rapidité la justice
m’a mis derrière les barreaux et avec quelle lenteur
elle répare son erreur. »

Juillet 2021 la police intervient lors d’une freeparty
en hommage à Steve Maia Caniço. Les gendarmes
déversent plus de 1 700 grenades lacrymogènes, de
désencerclement et GM2L, particulièrement dange-
reuses car mutilantes. 4 grenades par minute. Dans
ce contexte un jeune homme a la main arrachée
sans pouvoir être pris en charge par les pompiers
(Voir RE 198). Après enquête, le procureur classe
sans suite.



Dans les centre de rétention,
à l’écart du monde,
la violence crue de l’État

Dans la nuit de mardi à mercredi 4 mai, CRA 1
de Vincennes, témoignage de l’intérieur: «Hier
soir dans la nuit, y a un gars qu’a tenté de s’évader
en escaladant les grillages de la cour. Il est resté
accroché aux barbelés, ses vêtements se sont accro-
chés. Après il est retombé. Il était hyper blessé.
Il saignait de partout : des mains, du visage, de
la bouche. Les flics sont arrivés de l’autre côté
avec les chiens et à l’intérieur de la cour ils sont
venus et ont commencé à le taper. Le gars il était
déjà super mal et eux ils se jettent sur lui. Alors
nous on a gueulé, on a dit qu’il fallait appeler les
pompiers, qu’il était blessé. Et là les flics, ils sont
rentrés dans le bâtiment avec leurs matraques,
agressifs et tout. Ils ont commencé à donner des
coups et à faire sortir tout le monde dans la cour.
Certains ont été emmenés à l’isolement et y sont
restés quelques heures. On n’a pas de nouvelles
du gars, on pense qu’il est en GAV. »