sans titre –
commencement de l’édition 1879
du premier tome .
nouvelle édition illustrée de l’Histoire
de France par Victor Duruy
Au temps des premières éditions de ce livre, la France
avait, chez elle, une prospérité, et dans le monde, une place qui pouvaient
satisfaire le patriotisme le plus exigeant. Les jours de malheur sont venus, et
les hommes de ma génération porteront probablement jusqu’au tombeau leur
incurable douleur.
Cependant je n’ai rien effacé dans ces pages qui
racontaient le passé de la plus illustre des nations modernes ; car je ne
puis me résoudre à terminer ces récits par le cri désespéré de : Finis Galliae ! Malgré les
passions, les appétits et de criminelles erreurs, l’esprit d’ordre, celui qui
conserve en réformant, finira par prévaloir ; et, malgré les démagogues
internationaux, qui remplacent la patrie par la coalition de toutes les
convoitises cosmopolites, il se fera, je veux l’espérer, une France nouvelle,
ardente à la pensée et à l’action, pour continuer le rôle glorieux que
l’ancienne a joué dans l’œuvre de la civilisation générale.
Le monde a encore besoin de ce pays dont il a si
longtemps accepté l’influence et subi l’attrait. Il lui faut ce génie
sympathique et clair qui a donné ou traduit à l’Europe toutes les idées de
raison et de justice ; qui sait maintenir, jusque dans l’utile ou le
frivole, la tradition de l’art, et dont les douloureuses épreuves politiques,
épargnant à d’autres de cruelles expériences, feront peut-être de nos folies la
sagesse des nations.
Qui sait d’ailleurs si le tronçon d’épée qui nous est
resté dans la main, après une surprise malheureuse, ne sera pas quelque jour
nécessaire pour défendre la liberté générale contre de brutales
ambitions ? Nous avons bien le droit, au moins, de nous souvenir que nous
y avons réussi trois fois déjà, en arrêtant ou brisant la menaçante fortune de
Charles-Quint, de Philippe II et de Ferdinand d’Autriche.
Janvier 1876
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