Chers élus de la nation,
je continue cette réflexion – à l’anniversaire de la République,
qui coincidait en 1870 avec l’échec d’une forme institutionnelle pourtant très
moderne pour l’époque et à laquelle la Cinquième du nom ressemble beaucoup, et
plus encore avec une situation apparemment désespérée en relations
internationales et en cohésion du pays, de ses élites, de son peuple : il
y aurait bientôt l’amputation de notre territoire, lequel constitue notre
premier patrimoine commun, et la Commune, affreuse mais si explicable.
Comme à cette époque, il s’agit pour nous de trouver le meilleur
régime politique et social – qui prime et encadre notre vie économique et
intellectuelle aujourd’hui caractérisée par le mépris du salariat et du service
public, l’adoration de l’argent et de la rentabilité (du profit et de son
accaparement), l’individualisme, la dislocation de toutes les solidarités, à
commencer par celle du couple. La réforme intellectuelle et morale selon Renan,
la philosophie très réaliste du suffrage universel selon Victor de Broglie,
pour la France nouvelle selon Prévost-Paradol. L’époque avait suscité journaux
et écoles, vénérables, et malgré des institutions monistes et d’intenses
conflits structurels tels que la relation entre l’Eglise et l’Etat ou entre la
justice et l’armée, de grandes autorités politiques et morales avaient surgi.
Un culte pour le pays, le voyage de deux enfants à travers la France, une
géographie répandue comme l’enseignement de notre histoire, de notre identité
et une assimilation mutuelle qui poroduisit notre capacité à tenir le choc de
1914 et l’occupation destructrice d’une partie considérable de notre territoire
en superficie et en ressources.
Aujourd’hui, l’Etat a disparu sauf le fisc et le maintien de
l’ordre contre les manifestants : les scandalisés, les mis à la rue ou à
la pauvreté. La politique semblait depuis longtemps une classe à part, mais
depuis peu elle est devenue un gouvernement à l’encontre de nous et subordonné
à des emprises ou à lui-même, en sorte qu’il n’a plus de légitimité. Nous ne
tenons donc plus aucun choc. Et personne n’émerge du flot des mauvaises
nouvelles, des pratiques sans résultats.
J’ai eu l’honneur d’une intimité communiante avec deux
personnalités qui ont démontré – à longueur de vie : l’Abbé Pierre, par
une fulgurance au Quai d’Orsay – qu’on peut changer les choses en galvanisant
les esprits, en n’étant que soi-même, sans vulgarité ni démagogie, sans slogans
ni simplismes. Vous-mêmes dans les circonscriptions dont les citoyens et les
habitants vous portent au siège qui est le vôtre pour cette législature et
depuis plusieurs autres déjà – sans doute – vous avez l’expérience de la
décision collégiale, des débats en mairie, en assemblée locale, l’expérience
des consultations organisées ou selon vos rencontres ou les appels qui vous
sont faits. Les initiatives, les votes ne sont pas ceux d’une contrainte. Vous
savez ce que produisent l’imagination ou la relation de confiance personnelle.
Vous êtes entourés de dévouements précis et le plus souvent désintéressés. Les
Français, vos électeurs le savent, tandis qu’au niveau national l’élection est
celle de l’espérance et la durée du mandat celle où se découvrent quelques
personnalités de plus en plus dominées par l’obsession de rester en place. D’y être
renouvelées. Nous devenons médiocres et simplistes parce que nos dirigeants en
politique, en entreprise, en intelligence de notre temps ne veulent pas que
nous nous mêlions d’exercer avec eux le pouvoir, de trouver avec eux les bonnes
solutions, de choisir avec eux ce qui doit rester notre structure. Notre âme se
perd – découragement, fatalisme, cynisme – parce que le système est rigide et
qu’il ne promeut que des esprits se croyant de droit divin.
Le président de la République n’est pas contrôlé. Les ministres
sont – à quelques exceptions près que vous connaissez bien – plus accaparés par
une parole publique d’ailleurs floue et approximative, que par l’étude de fond
des questions à résoudre.
Ce n’est ni la France, ni la République. C’est un déclin sans
précédent en temps de paix.
Vous composez une institution décisive pour notre avenir et vous
pouvez décider de celui-ci en déclarant votre indépendance de jugement et de
vote, en refusant – pour le salut public – l’argument peu démocratique qui
gouverne (vous le vivez) les partis et les assemblées plus que jamais et alors
que tous les dangers sont là, tous les écroûlements en cours : l’argument
de faire corps pour ne pas perdre la prochaine élection, quelle qu’elle soit.
Le rassemblement, l’union… alors qu’il nous faut discernement et énergie. Le
point de départ et celui de l’arrivée ne sont pas, en contrainte de conscience,
le soutien impopulaire de soi-disant réformes-catalogues défaisant le peu de
cohésion qu’il nous reste. Ils sont la démocratie et l’appui de tout
gouvernement sur un peuple d’expérience et de maturité. Nos gouvernants depuis
au moins vingt ans font de la pédagogie – prétendent-ils – imposant ainsi une soi-disant
supériorité de savoir et de compétence que n’auraient pas les Français, en
corps et individuellement. Cette supériorité a montré qu’elle n’opérait aucun
heureux résultat dans un pays de plus en plus malmené et ne se reconnaissant
plus ni en son art de vivre et de produire, ni en son aptitude à la grandeur et
à l’enthousiasme.
Il nous faut sortir de cette spirale, casser la répétition
d’exercices de plus en plus vains et le moule fabriquant des dirigeants qui
n’encourent aucune sanction quand ils échouent. Or, ils échouent et la
prochaine élection présidentielle sera le « copier-coller » des
précédentes. Cette élection doit être servante du bien commun par les réflexes
et les comportements qu’elle peut engendrer parmi nous. L’élue ou l’élu sera
secondaire.
Votre
lecture et votre réaction m’honoreront et me seront précieux.
Dans l’attente de vous lire, d’échanger avec vous, de vous
rencontrer éventuellement, je vous assure de ma confiance intuitive en votre
liberté de jugement par expérience.
vendredi 4 septembre 2015
Pièces jointes
- un rappel biographique
- quelques citations de deux de nos
grands contemporains pour ce que doit être, en forme et en fond, la politique
quand le pays doit faire face
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