Encore, pour s’attacher à l’essentiel et
rejeter l’accessoire, décomposer l’action en plusieurs actes, répartir la tâche
entre tous de façon que chacun concoure au but commun, faut-il au chef la
capacité d’embrasser les ensembles, d’attribuer aux objets l’importance relative
qu’ils méritent, de discerner les enchaînements et les limites. Or, cette
aptitude à la synthèse ne va pas sans une puissante capacité de réflexion, car
on ne peut distinguer les grandes lignes des détails, ni comparer les valeurs
sans y rassembler tout l’effort de la pensée, de même qu’au stéréoscope on n’aperçoit
pas le relief d’une image sans y concentrer la vue. C’est pourquoi tous les
grands hommes d’action furent des méditatifs. Tous possédaient, au plus haut
degré, la faculté de se replier sur eux-mêmes, de délibérer au-dedans. Tous
auraient pu dire, comme Napoléon : « L’homme de guerre doit être
capable de considérer fortement et longtemps les mêmes objets sans en être
fatigué ».
Le fil de l’épée (1ère
édition : 1932) pp. 31-32
Encore faut-il que ce dessein, où le chef
s’absorbe, porte la marque de la grandeur. Il s’agit de répondre, en effet au
souhait obscur des hommes à qui l’infirmité de leurs organes fait désirer la
perfection du but, qui, bornés dans leur nature, nourrissent des vœux infinis
et, mesurant chacun sa petitesse, acceptent l’action collective pourvu qu’elle
tende à quelque chose de grand. On ne s’impose point sans presser ce ressort.
Tous ceux dont c’est le rôle de mener la foule s’entendent à l’utiliser.
Le fil de l’épée, p. 99
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