Pour que demain commence
conversation, projet et
mémoire
titre trouvé samedi 6 au matin en
écrivant à Laetitia de V, et affiné soir du dimanche 7 juillet 2016
à suivre par
Penser à nouveau notre politique étrangère
Etablir et pratiquer notre démocratie
recommencé à
la saint-Louis, roi de France – jeudi 25 août 2016 – 10.11 heures
En
introduction mutuelle, nous rencontrer
Peut-être,
avant que vous ne me fassiez maintenant l’honneur de commencer à me lire, nous
sommes-nous déjà rencontrés ? La rue, les transports en commun, Paris et
le métro, l’autobus, les RER, les TGV. Ou bien des queues devant un cinéma. Ou
bien une attente à l’école naguère, ou cette dernière année scolaire. Ou des
exposés dits conférences sur les mouvements sociaux en France à l’occasion de
ceux de Novembre-Décembre 1995 – que de rencontres, quelle facilité pour nous
aborder les uns les autres en défilés de manifestations ou en ouverture de la
portière de voiture quand il y a embouteillages urbains et pénurie de
carburant. De plus en plus j’aime aborder qui m’a attiré inconsciemment :
silhouette, regard parfois, deux-trois phrases, la vérification d’une affinité,
d’une réaction commune. Pas plus, mais cela demeure. Nous avons échangé
peut-être nos adresses internet. Naguère, c’était seulement celle pour la
poste, les dernières pages de mes carnets (de terrain, m’a dit une voyageuse en
Asie centrale) recueillent ainsi des façons d’autographes depuis trente
ans : Alain Savary, rencontré aux retrouvailles brèves de François
Mitterrand pour ensemble aller à Saint-Pierre et à Miquelon. Je ne prends qu’un
exemple. Peut-être, bientôt, beaucoup de ces dernières pages.
Ou nous nous
connaissons déjà, de pratique et d’affection. Vous êtes neuf, en attendant deux
autres, à être dans ce secret que je garde vis-à-vis de ma chère femme qui
trouverait l’entreprise folle, risquée, sans doute dispendieuse, à commencer
par l’écriture de ce livre puisque depuis des années je n’aboutis pas à un
texte trouvant son éditeur, puisque depuis des mois je m’angoisse de mes essais
et impasses, de mon impuissance et de ma stérilité. Mais c’est notre fille qui
a reçu ma première confidence. Elle en craint la réalisation, le
succès-même : elle souhaite n’être pas remarquée, elle n’apprécie pas que
je parle « à tout le monde », dans les grandes surface pour les
courses alimentaires (ces termes d’aujourd’hui pour dire magasin ou
ravitaillement…), il me faut souvent une pancarte réversible mais qui reste
imaginaire, à suspendre à mon cou quand avec notre fille, donc, nous faisons la
queue aux caisses et que souvent j’y remarque des beautés princières que n’ont
généralement pas à leur bras nos grandes fortunes ou nos belles situations
nationales, chez nous et ailleurs, selon les périodiques qui leur sont
affectés : je ne suis pas le pappy, je suis le papa. C’est elle qui me
voyant écrire, pendant la campagne présidentielle de 2012, des articles de
critique ou de soutien, me conseilla : tu devrais écrire, papa, un
article, si la France mentait… elle ne m’a pas donné la ponctuation, elle avait
huit ans, elle aurait voté pour Eva Joly, les lunettes de celle-ci et sa lettre
à la France, nous devions lui écrire, comme d’ailleurs à Natoo et à Enjoy
Phénix, et ne l’avons pas encore fait. Internet et l’informatique apportent ces
années-ci à notre civilisation deux éléments décisifs pour son évolution. 1°
nous sommes les premières générations où les jeunes enfants ont autant à
apprendre et à transmettre à leurs parents, que ceux-ci à leur inculquer et enseigner :
la technologie et la tradition. Nous serons toujours en retard d’une
technologie et n’en auront pas l’instinct. Quant à la tradition, à la mémoire,
aux ascendances, elles peuvent d’autant plus s’éteindre que nous ne savons plus
provoquer la demande, la curiosité. Car 2° c’est la lacune à laquelle nous ne
pensons pas encore remédier : n’éditant pas le virtuel de nos écrans
d’ordinateurs et de banques de données, nous sommes déjà sans archives
physiques : Sumer et l’Egypte nous en font retrouver encore des leurs, on
lit les lettres de Louis XI, les évangiles et le coran sont là. Faire
fonctionner un matériel de trente ans, les micral bull et leurs disquettes du
format de nos 45/tours audio. Ou rentrer dans des logiciels, passés quelques
années. Ce sera un métier, une archéologie.
Vous, vous qui
êtes neuf et pour continuer, dans la discrétion ou ouvertement. Notre rencontre
déjà qui a été une telle augmentation de moi-même et de ce que je peux
comprendre de la vie, de l’époque. Notre époque. Un général à trois ou quatre
étoiles, élu local, grand passé dans le renseignement ou dans les commandements
multinationaux : il désespère de nous, faute de dirigeants désintéressés
et vrais au point de penser partir s’établir au bord de la mer Noire avec son
épouse, si nous échouons, lui, quelques autres, moi. Un jeune poète dans
l’édition des autres et dans la mise au net d’entretiens avec des notoriétés de
la scène : il écrit abstrait, immédiat, étonnant et m’aide à garder espoir
dans mes capacités. Un coureur à pied à travers le Sahara pour financer l’eau
et les potagers d’un village malien après avoir, dans les institutions
genevoises, guetté la pratique sincère des grands traités humanitaires :
c’est autour de Michel Jobert, la démocratie vivante et un autre regard… que
nous avons contracté notre amitié, et nous cherchons à nous faire accompagner
par un ingénieur-conseil perdu de notre vue depuis son remariage qui avait
réagi au premier « papier » que Le
Monde accueillit de moi, j’y assignais le premier successeur du général de
Gaulle pour infidélité, et c’était à propos de l’entrée de la Grande-Bretagne
dans le Marché Commun (ce qui est devenu, bien différemment des pensées et
projets de nos années d’après-guerre, l’Union européenne). Nous allons
certainement le retrouver, de même qu’à un ancien collaborateur lors d’une
affectation commune en ambassade (de France) à Brasilia, je compte demander de
s’occuper de finances puisque, depuis, il est brillamment et efficacement chef
d’entreprise. Donc à terme onze compagnons. Un ancien ambassadeur qui a dirigé
le cabinet d’un ministre à risque et dont le domaine était risqué : nous
nous sommes rencontrés pour tenter de faire pièce à un putsch africain dont les
meneurs achetaient – en billets, en euros – la caution française, le secrétaire
général de l’Elysée, d’alors, était récipiendaire. Un attaché parlementaire,
qui avait été de mes élèves en enseignement sur les relations extérieures de
l’Union européenne et sur les mûes institutionnelles de celle-ci : il est
omniscient et dans les couloirs et salles du Palais-Bourbon, beaucoup de gens
d’idées et de mutliplications des relations se trouvent, et sont abordables. Un
émule de Maurice Grimaud, le préfet de Mai-68 : la distinction, la
fidélité-même avec la discrétion et la réserve, la conscience de toutes limites
qui vont avec les plus hautes responsabilités. Un franco-tunisien dont le père
fut commensal de Bourguiba, quotidiennement, pendant trente ans : je l’ai
rencontré en tentant de convaincre les Kazakhs de combiner la rénovation du
second aéroport de l’Union soviétique (Karaganda) et la construction d’une voie
ferrée à grande vitesse entre la cité minière et le chef-lieu de l’ex-goulag
(Sélinograd devenue Akmola) promise à devenir la capitale du Kazakhstan :
Astana. Depuis que ma mission là-bas, ouvrir notre ambassade à la chute des
anciens régimes tzariste puis communiste, je n’ai guère suivi que la montée en
corruption, en dictature, puis en âge du partenaire, fort intéressant, qui nous
était donné : Nursultan Nazarbaev, alter ego de Mikhaïl Gorbatchev si
celui-ci avait survécu à ce qu’il changeait. Un journaliste de grand talent, un
écrivain de politique-fiction aussi, ayant avec un collègue, suivi pendant dix
ans et sur place ce qui se vivait et se disait ou projetait à l’Elysée quand
François Mitterrand s’y trouvait. Enfin, une autre bonne plume qui, comme moi,
avait affectionné celle de Michel Jobert. Tenus au courant, un médecin
urgentiste à Tahiti, un camarade d’enfance prix d’excellence (encore bien plus
que moi…) et se donnant au développement du Maroc, quelques-unes et quelques-uns encore.
Mais la
rencontre naturelle – la nôtre à présent – est simple, évidente. Elle ne tient
pas aux sympathies ou aux entreprises et affectations ensemble. Elle est, en ce
moment-ci, universelle. Chacun, nous avons partie liée avec notre pays, le
point où nous sommes tous de nos existences respectives a des traits en commun
avec ce qu’il arrive depuis une ou deux décennies à notre pays.
Cette parabole
mutuelle entre une France mal-traitée, inconnue ou presque de ses dirigeants de
tous genres, une France que beaucoup réputent vieille, stérile, repliée et
peureuse, raidie contre tout changement, quittée par sa jeunesse quand celle-ci
est fortunée de famille et d’études fortes, et moi à mes soixante-quatorze ans
quand commencera formellement la campagne pour le prochain mandat
présidentielle, me parle beaucoup. Comment faire de soi une œuvre, une utilité,
une fierté – peut-être – pour les miens, pour le bien commun, pour notre pays,
car j’y tiens, quand dans une vie beaucoup de dons, mais bien moins
d’opportunités, ont produit si peu au regard général et selon les critères
ambiants ? Oui, comment ? Et pourquoi, quand l’Histoire et le bon
sens nous ont tant de fois répété et montré que notre unisson, notre ferveur en
tant que France, Français de tous âges, confessions, origines sont si porteurs,
si chaleureux, nous transforment tellement pour le meilleur de nous-mêmes quand
soudainement nous répondons ainsi à l’événement, aux circonstances, au drame, à
l’intensité de retrouvailles nationales. Saint Louis a été conçu au moment de
la bataille de Bouvines, sans doute fondatrice de notre pays en tant que nation
psycholgiquement autonome. Les images sont souvent diffusées ces mois-ci d’un
visage. Visage rayonnant d’une lumière surnaturelle, un homme dont la taille
est alors – au physique et selon l’Histoire en train de se vérifier – au-dessus
de tous et de tout. De Gaulle à Bayeux dans la foule qui marche. De Gaulle
totalement subjugué par la mer humaine, celle de l’Histoire encore, qui va
lentement faire haie de chaque côté de lui, descendant les Champs-Elysées, mais
ouvertes, coudes presqu’au corps. Ce fut en 1214, c’était en 1944, c’est le 11
Janvier 2015, tant de chefs d’Etat ou de gouvernement sont avec nous à marcher
de la République à la Nation, à peine au premier rang, mais notre mandataire ne
saura pas remercier pour sa présence un monarque musulman venu à grands risques
vis-à-vis de ses coreligionnaires plus encore que de ses sujets et le soir-même,
il sera à la Grande synagogue de Paris avec un Premier minis israëlien appelant
ceux de nous qui sont Juifs, à se défier de la France et à courir en sécurité à
Tel-Aviv, c’est encore le 13 Novembre 2015, l’affolant hasard, puis – meurtre
dans la cathédrale, Annouilh, Thomas Becket – l’assassinat en vêtement
sacerdotaux de notre martyr contemporain, le Père Jacques Hamel dont les
assassins sont condamnés par le Commandeur des croyants au Maroc, s’adressant à
son peuple pour cette révolution qu’avaient su faire son grand-père Mohamed V
avec tous les Maghrébins de l’époque quand la France n’avait plus de solution.
Ces assauts de la terreur qui ont été vécus ces derniers mois, nous y avons
répondu spontanément, hors de tout appel politique, mais le gouvernement
d’union nationale, le resserrement en nombre et en qualité, en expérience déjà
reconnue des équipes censées nous orienter et diriger n’ont pas été constitués.
Une comédie à huis-clos, déclamée mnémotechniquement en une langue qui nous est
étrangère, puisque nous la disons de bois, continue et va continuer. Son thème,
la peur censée nous rassembler, la haine censée nous inspirer, le simplisme
censé nous illustrer.
Je crois que
nous avons honte de ce qu’il advient de nous. Dans les désastres, dans les
grèves générales, quand s’affaissent les barrières et que la permissivité n’a
son contredit que par nous, qui assumons alors la vie sociale et le minimum des
gestions courantes, nous savons nous parler les uns autres, nous avons été
inventifs dans nos pires années, celles où nos parents ou grands-parents
appréhendaient le retour d’une guerre que nous avions de justesse gagnée en
1918 mais dont nous savions que nous allions la perdre face à un innommable et
fascinant régime à notre frontière du nord-est. Inventifs pendant l’Occupation,
à la Libération et – paradoxalement – grâce au fiasco de notre décolonisation
forcée. Toujours, chaque fois, les portes de l’avenir s’ouvrent. Longtemps,
elles ont dépendu de notre engouffrement en foule enthousiaste ou spontanée.
Nous découvrons aujourd’hui que nous ne savons pas ou ne savons plus discerner
notre avenir à la différence de notre futur, que nous ne savons plus discerner
nos élites, ni ce que nous sommes par nous-mêmes, que nous ne savons pas
choisir nos dirigeants. Sans doute payons-nous des successions et des
personnalités de plus en plus calamiteuses, mais nous le tolérons, nous les
tolérons, y compris la perspective des pires-antidotes. Alors les portes ne
s’ouvrent plus.
Reniac, à ma table de travail,
le jeudi 25 août 2016 de 11 heures à 12
heures 25
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