jeudi 25 août 2016

rédaction commencée








Pour que demain commence

conversation, projet et mémoire















titre trouvé samedi 6 au matin en écrivant à Laetitia de V, et affiné soir du dimanche 7 juillet 2016

à suivre par

Penser à nouveau notre politique étrangère

Etablir et pratiquer notre démocratie
recommencé à la saint-Louis, roi de France – jeudi 25 août 2016 – 10.11 heures








En introduction mutuelle, nous rencontrer


Peut-être, avant que vous ne me fassiez maintenant l’honneur de commencer à me lire, nous sommes-nous déjà rencontrés ? La rue, les transports en commun, Paris et le métro, l’autobus, les RER, les TGV. Ou bien des queues devant un cinéma. Ou bien une attente à l’école naguère, ou cette dernière année scolaire. Ou des exposés dits conférences sur les mouvements sociaux en France à l’occasion de ceux de Novembre-Décembre 1995 – que de rencontres, quelle facilité pour nous aborder les uns les autres en défilés de manifestations ou en ouverture de la portière de voiture quand il y a embouteillages urbains et pénurie de carburant. De plus en plus j’aime aborder qui m’a attiré inconsciemment : silhouette, regard parfois, deux-trois phrases, la vérification d’une affinité, d’une réaction commune. Pas plus, mais cela demeure. Nous avons échangé peut-être nos adresses internet. Naguère, c’était seulement celle pour la poste, les dernières pages de mes carnets (de terrain, m’a dit une voyageuse en Asie centrale) recueillent ainsi des façons d’autographes depuis trente ans : Alain Savary, rencontré aux retrouvailles brèves de François Mitterrand pour ensemble aller à Saint-Pierre et à Miquelon. Je ne prends qu’un exemple. Peut-être, bientôt, beaucoup de ces dernières pages.

Ou nous nous connaissons déjà, de pratique et d’affection. Vous êtes neuf, en attendant deux autres, à être dans ce secret que je garde vis-à-vis de ma chère femme qui trouverait l’entreprise folle, risquée, sans doute dispendieuse, à commencer par l’écriture de ce livre puisque depuis des années je n’aboutis pas à un texte trouvant son éditeur, puisque depuis des mois je m’angoisse de mes essais et impasses, de mon impuissance et de ma stérilité. Mais c’est notre fille qui a reçu ma première confidence. Elle en craint la réalisation, le succès-même : elle souhaite n’être pas remarquée, elle n’apprécie pas que je parle « à tout le monde », dans les grandes surface pour les courses alimentaires (ces termes d’aujourd’hui pour dire magasin ou ravitaillement…), il me faut souvent une pancarte réversible mais qui reste imaginaire, à suspendre à mon cou quand avec notre fille, donc, nous faisons la queue aux caisses et que souvent j’y remarque des beautés princières que n’ont généralement pas à leur bras nos grandes fortunes ou nos belles situations nationales, chez nous et ailleurs, selon les périodiques qui leur sont affectés : je ne suis pas le pappy, je suis le papa. C’est elle qui me voyant écrire, pendant la campagne présidentielle de 2012, des articles de critique ou de soutien, me conseilla : tu devrais écrire, papa, un article, si la France mentait… elle ne m’a pas donné la ponctuation, elle avait huit ans, elle aurait voté pour Eva Joly, les lunettes de celle-ci et sa lettre à la France, nous devions lui écrire, comme d’ailleurs à Natoo et à Enjoy Phénix, et ne l’avons pas encore fait. Internet et l’informatique apportent ces années-ci à notre civilisation deux éléments décisifs pour son évolution. 1° nous sommes les premières générations où les jeunes enfants ont autant à apprendre et à transmettre à leurs parents, que ceux-ci à leur inculquer et enseigner : la technologie et la tradition. Nous serons toujours en retard d’une technologie et n’en auront pas l’instinct. Quant à la tradition, à la mémoire, aux ascendances, elles peuvent d’autant plus s’éteindre que nous ne savons plus provoquer la demande, la curiosité. Car 2° c’est la lacune à laquelle nous ne pensons pas encore remédier : n’éditant pas le virtuel de nos écrans d’ordinateurs et de banques de données, nous sommes déjà sans archives physiques : Sumer et l’Egypte nous en font retrouver encore des leurs, on lit les lettres de Louis XI, les évangiles et le coran sont là. Faire fonctionner un matériel de trente ans, les micral bull et leurs disquettes du format de nos 45/tours audio. Ou rentrer dans des logiciels, passés quelques années. Ce sera un métier, une archéologie.

Vous, vous qui êtes neuf et pour continuer, dans la discrétion ou ouvertement. Notre rencontre déjà qui a été une telle augmentation de moi-même et de ce que je peux comprendre de la vie, de l’époque. Notre époque. Un général à trois ou quatre étoiles, élu local, grand passé dans le renseignement ou dans les commandements multinationaux : il désespère de nous, faute de dirigeants désintéressés et vrais au point de penser partir s’établir au bord de la mer Noire avec son épouse, si nous échouons, lui, quelques autres, moi. Un jeune poète dans l’édition des autres et dans la mise au net d’entretiens avec des notoriétés de la scène : il écrit abstrait, immédiat, étonnant et m’aide à garder espoir dans mes capacités. Un coureur à pied à travers le Sahara pour financer l’eau et les potagers d’un village malien après avoir, dans les institutions genevoises, guetté la pratique sincère des grands traités humanitaires : c’est autour de Michel Jobert, la démocratie vivante et un autre regard… que nous avons contracté notre amitié, et nous cherchons à nous faire accompagner par un ingénieur-conseil perdu de notre vue depuis son remariage qui avait réagi au premier « papier » que Le Monde accueillit de moi, j’y assignais le premier successeur du général de Gaulle pour infidélité, et c’était à propos de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun (ce qui est devenu, bien différemment des pensées et projets de nos années d’après-guerre, l’Union européenne). Nous allons certainement le retrouver, de même qu’à un ancien collaborateur lors d’une affectation commune en ambassade (de France) à Brasilia, je compte demander de s’occuper de finances puisque, depuis, il est brillamment et efficacement chef d’entreprise. Donc à terme onze compagnons. Un ancien ambassadeur qui a dirigé le cabinet d’un ministre à risque et dont le domaine était risqué : nous nous sommes rencontrés pour tenter de faire pièce à un putsch africain dont les meneurs achetaient – en billets, en euros – la caution française, le secrétaire général de l’Elysée, d’alors, était récipiendaire. Un attaché parlementaire, qui avait été de mes élèves en enseignement sur les relations extérieures de l’Union européenne et sur les mûes institutionnelles de celle-ci : il est omniscient et dans les couloirs et salles du Palais-Bourbon, beaucoup de gens d’idées et de mutliplications des relations se trouvent, et sont abordables. Un émule de Maurice Grimaud, le préfet de Mai-68 : la distinction, la fidélité-même avec la discrétion et la réserve, la conscience de toutes limites qui vont avec les plus hautes responsabilités. Un franco-tunisien dont le père fut commensal de Bourguiba, quotidiennement, pendant trente ans : je l’ai rencontré en tentant de convaincre les Kazakhs de combiner la rénovation du second aéroport de l’Union soviétique (Karaganda) et la construction d’une voie ferrée à grande vitesse entre la cité minière et le chef-lieu de l’ex-goulag (Sélinograd devenue Akmola) promise à devenir la capitale du Kazakhstan : Astana. Depuis que ma mission là-bas, ouvrir notre ambassade à la chute des anciens régimes tzariste puis communiste, je n’ai guère suivi que la montée en corruption, en dictature, puis en âge du partenaire, fort intéressant, qui nous était donné : Nursultan Nazarbaev, alter ego de Mikhaïl Gorbatchev si celui-ci avait survécu à ce qu’il changeait. Un journaliste de grand talent, un écrivain de politique-fiction aussi, ayant avec un collègue, suivi pendant dix ans et sur place ce qui se vivait et se disait ou projetait à l’Elysée quand François Mitterrand s’y trouvait. Enfin, une autre bonne plume qui, comme moi, avait affectionné celle de Michel Jobert. Tenus au courant, un médecin urgentiste à Tahiti, un camarade d’enfance prix d’excellence (encore bien plus que moi…) et se donnant au développement du Maroc,  quelques-unes et quelques-uns encore.

Mais la rencontre naturelle – la nôtre à présent – est simple, évidente. Elle ne tient pas aux sympathies ou aux entreprises et affectations ensemble. Elle est, en ce moment-ci, universelle. Chacun, nous avons partie liée avec notre pays, le point où nous sommes tous de nos existences respectives a des traits en commun avec ce qu’il arrive depuis une ou deux décennies à notre pays.

Cette parabole mutuelle entre une France mal-traitée, inconnue ou presque de ses dirigeants de tous genres, une France que beaucoup réputent vieille, stérile, repliée et peureuse, raidie contre tout changement, quittée par sa jeunesse quand celle-ci est fortunée de famille et d’études fortes, et moi à mes soixante-quatorze ans quand commencera formellement la campagne pour le prochain mandat présidentielle, me parle beaucoup. Comment faire de soi une œuvre, une utilité, une fierté – peut-être – pour les miens, pour le bien commun, pour notre pays, car j’y tiens, quand dans une vie beaucoup de dons, mais bien moins d’opportunités, ont produit si peu au regard général et selon les critères ambiants ? Oui, comment ? Et pourquoi, quand l’Histoire et le bon sens nous ont tant de fois répété et montré que notre unisson, notre ferveur en tant que France, Français de tous âges, confessions, origines sont si porteurs, si chaleureux, nous transforment tellement pour le meilleur de nous-mêmes quand soudainement nous répondons ainsi à l’événement, aux circonstances, au drame, à l’intensité de retrouvailles nationales. Saint Louis a été conçu au moment de la bataille de Bouvines, sans doute fondatrice de notre pays en tant que nation psycholgiquement autonome. Les images sont souvent diffusées ces mois-ci d’un visage. Visage rayonnant d’une lumière surnaturelle, un homme dont la taille est alors – au physique et selon l’Histoire en train de se vérifier – au-dessus de tous et de tout. De Gaulle à Bayeux dans la foule qui marche. De Gaulle totalement subjugué par la mer humaine, celle de l’Histoire encore, qui va lentement faire haie de chaque côté de lui, descendant les Champs-Elysées, mais ouvertes, coudes presqu’au corps. Ce fut en 1214, c’était en 1944, c’est le 11 Janvier 2015, tant de chefs d’Etat ou de gouvernement sont avec nous à marcher de la République à la Nation, à peine au premier rang, mais notre mandataire ne saura pas remercier pour sa présence un monarque musulman venu à grands risques vis-à-vis de ses coreligionnaires plus encore que de ses sujets et le soir-même, il sera à la Grande synagogue de Paris avec un Premier minis israëlien appelant ceux de nous qui sont Juifs, à se défier de la France et à courir en sécurité à Tel-Aviv, c’est encore le 13 Novembre 2015, l’affolant hasard, puis – meurtre dans la cathédrale, Annouilh, Thomas Becket – l’assassinat en vêtement sacerdotaux de notre martyr contemporain, le Père Jacques Hamel dont les assassins sont condamnés par le Commandeur des croyants au Maroc, s’adressant à son peuple pour cette révolution qu’avaient su faire son grand-père Mohamed V avec tous les Maghrébins de l’époque quand la France n’avait plus de solution. Ces assauts de la terreur qui ont été vécus ces derniers mois, nous y avons répondu spontanément, hors de tout appel politique, mais le gouvernement d’union nationale, le resserrement en nombre et en qualité, en expérience déjà reconnue des équipes censées nous orienter et diriger n’ont pas été constitués. Une comédie à huis-clos, déclamée mnémotechniquement en une langue qui nous est étrangère, puisque nous la disons de bois, continue et va continuer. Son thème, la peur censée nous rassembler, la haine censée nous inspirer, le simplisme censé nous illustrer.

Je crois que nous avons honte de ce qu’il advient de nous. Dans les désastres, dans les grèves générales, quand s’affaissent les barrières et que la permissivité n’a son contredit que par nous, qui assumons alors la vie sociale et le minimum des gestions courantes, nous savons nous parler les uns autres, nous avons été inventifs dans nos pires années, celles où nos parents ou grands-parents appréhendaient le retour d’une guerre que nous avions de justesse gagnée en 1918 mais dont nous savions que nous allions la perdre face à un innommable et fascinant régime à notre frontière du nord-est. Inventifs pendant l’Occupation, à la Libération et – paradoxalement – grâce au fiasco de notre décolonisation forcée. Toujours, chaque fois, les portes de l’avenir s’ouvrent. Longtemps, elles ont dépendu de notre engouffrement en foule enthousiaste ou spontanée. Nous découvrons aujourd’hui que nous ne savons pas ou ne savons plus discerner notre avenir à la différence de notre futur, que nous ne savons plus discerner nos élites, ni ce que nous sommes par nous-mêmes, que nous ne savons pas choisir nos dirigeants. Sans doute payons-nous des successions et des personnalités de plus en plus calamiteuses, mais nous le tolérons, nous les tolérons, y compris la perspective des pires-antidotes. Alors les portes ne s’ouvrent plus.


Reniac, à ma table de travail,
le jeudi 25 août 2016 de 11 heures à 12 heures 25

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