Pie XI
Mit brennender Sorge
Sur la situation de l'Eglise catholique dans le Reich allemand
15 mars 1937
LETTRE ENCYCLIQUE
LETTRE ENCYCLIQUE
1.
C’est avec une vive inquiétude et un étonnement croissant que,
depuis longtemps, Nous suivons des yeux les douloureuses épreuves de l’Église
et les vexations de plus en plus graves dont souffrent ceux et celles qui lui
restent fidèles par le cœur et la conduite, au milieu du pays et du peuple
auxquels saint Boniface a porté autrefois le lumineux message, la bonne
nouvelle du Christ et du Royaume de Dieu.
2.
Cette inquiétude n’a pas été diminuée par ce que les
représentants du vénérable Épiscopat, venus Nous visiter à Notre chevet de
malade, Nous ont fait connaître, conformément à la vérité et comme c’était leur
devoir. À des nouvelles bien consolantes et édifiantes sur la lutte pour la foi
que mènent leurs fidèles, ils n’ont pu s’empêcher, malgré tout l’amour qu’ils
portent à leur peuple et à leur patrie, malgré toute leur application à juger
avec mesure, d’en mêler une infinité d’autres, bien dures et bien mauvaises.
Après avoir entendu leur exposé, Nous pûmes, dans un élan de vive
reconnaissance envers Dieu, Nous écrier avec l’Apôtre de l’Amour :
« Je n’ai pas de plus grande joie que d’apprendre que mes enfants marchent
dans la vérité1313
3 Jn 4 . » Mais la
franchise qui convient à Notre charge apostolique, si pleine de
responsabilités, et la décision de mettre sous vos yeux et sous les yeux de
tout l’univers chrétien la réalité dans toute sa gravité Nous oblige
d’ajouter : « Il n’est pas de plus grand chagrin, ni de douleur plus
amère à Notre cœur de pasteur, que d’apprendre que beaucoup abandonnent le
chemin de la vérité. »1414
2 P 2,2
3.
Lorsqu’en été 1933, Vénérables Frères, Nous acceptâmes la
négociation d’un Concordat, que le gouvernement du Reich, reprenant un projet
vieux de plusieurs années, Nous proposait, et quand, à votre universel
contentement, Nous la terminâmes par un accord solennel, Nous étions guidé par
le souci, que Notre devoir Nous impose, d’assurer en Allemagne la liberté de la
mission bienfaisante de l’Église et le salut des âmes qui lui sont confiées,
mais encore par le désir sincère de rendre au peuple allemand un service
essentiel pour son développement pacifique et sa prospérité.
4.
C’est pourquoi, en dépit de nombreuses et graves considérations,
Nous Nous sommes alors décidé à ne pas lui refuser Notre consentement. Nous
voulions épargner à Nos fidèles fils et filles d’Allemagne, dans la mesure des
possibilités humaines, les angoisses et les souffrances que dans l’autre
hypothèse les circonstances du temps faisaient prévoir avec pleine certitude.
Nous voulions prouver à tous par des actes que, cherchant uniquement le Christ
et les intérêts du Christ, Nous ne refusions pas de tendre la main pacifique et
maternelle de l’Église à quiconque ne la repousse pas.
5.
Si l’arbre de paix, planté par Nous en toute pureté d’intention
dans la terre allemande, n’a pas produit les fruits que, dans l’intérêt de
votre peuple, Nous désirions si ardemment, personne au monde, ayant des yeux
pour voir et des oreilles pour entendre, ne pourra dire aujourd’hui que la
faute en est à l’Église ou à son Chef. Les expériences des dernières années
mettent les responsabilités en pleine lumière : elles révèlent des
intrigues qui, dès le début, ne visaient qu’à une guerre d’extermination. Dans
les sillons où Nous Nous étions efforcé de semer le germe d’une paix sincère,
d’autres répandirent – tel l’inimicus homo de la Sainte Écriture1515
Mt 13,25 – l’ivraie de la
méfiance, du mécontentement, de la haine, de la diffamation, d’une hostilité de
principe, soit voilée, soit ouverte, alimentée à mille sources et agissant, par
tous les moyens, contre le Christ et son Église. Eux, et eux seuls, avec leurs
silencieux ou leurs bruyants complices, sont aujourd’hui responsables si, au
lieu de l’arc-en-ciel de la paix, c’est l’orage des funestes luttes religieuses
qui se montre à l’horizon de l’Allemagne.
6.
Nous ne Nous sommes pas lassé, Vénérables Frères, de représenter
aux dirigeants responsables des destinées de votre pays les conséquences qui
devaient nécessairement résulter de la tolérance et même de la faveur dont profitent
de tels courants d’idées. Nous avons tout fait pour défendre la sainteté de la
parole solennellement donnée et l’inviolabilité des engagements librement
consentis, contre des théories et des pratiques qui – au cas où elles seraient
officiellement approuvées – tueraient nécessairement toute confiance et
ôteraient d’avance toute valeur à tout engagement d’honneur. Quand une fois le
temps sera venu de mettre au grand jour sous les yeux du monde ces efforts qui
furent les Nôtres, tous les hommes d’intention droite sauront où chercher les
défenseurs de la paix et où ses perturbateurs. Tous ceux dont l’esprit n’a pas
encore perdu tout sens de la vérité, tous ceux qui conservent au fond du cœur
un reste de justice, conviendront que durant ces années, difficiles et lourdes
d’événements, qui ont suivi la conclusion du Concordat, chacune de Nos paroles
a été prononcée, chacun de Nos actes a été accompli sous la loi de la fidélité
aux traités.
7.
Mais ils devront constater aussi, non sans étonnement et
réprobation profonde, comment de la part de l’autre partie contractante une
interprétation qui faussait le contrat ou le détournait de son but, ou le
vidait de son contenu et aboutissait finalement à sa violation plus ou moins
officielle, devint la loi inavouée selon laquelle on agissait. La modération
témoignée par Nous, en dépit de tout, n’était pas inspirée par des
considérations d’utilité terrestre, moins encore par une faiblesse inopportune,
mais simplement par la volonté de ne pas risquer d’arracher, avec l’ivraie,
quelque plante précieuse ; par l’intention de ne porter publiquement aucun
jugement avant que les esprits n’en fussent venus à comprendre l’inéluctable
nécessité de ce jugement ; par la résolution de ne nier définitivement la
loyauté d’autrui que lorsque l’irréfutable langage de l’évidence aurait arraché
le camouflage sous lequel, systématiquement, on dissimulait l’assaut lancé
contre l’Église. Aujourd’hui encore, où la lutte ouverte contre l’école
confessionnelle, protégée pourtant par le Concordat, où la suppression du libre
suffrage à ceux des catholiques qui ont le droit de veiller à l’éducation de la
jeunesse, manifestent sur un terrain essentiel de la vie de l’Église la gravité
impressionnante de la situation et l’angoisse sans exemple des consciences
chrétiennes, le souci du salut des âmes Nous pousse à ne pas négliger les
possibilités encore existantes, si minimes soient-elles, d’un retour à la
loyauté et à un arrangement acceptable suivant le désir du vénérable épiscopat.
Nous continuerons, sans nous lasser, à être auprès des dirigeants de votre
peuple le défenseur du droit violé, et, obéissant simplement à Notre conscience
et à Notre mission pastorale – sans Nous soucier du succès ou de l’insuccès
immédiat, – à Nous opposer à un parti pris qui cherche, par l’emploi, ouvert ou
dissimulé, de la force, à étrangler le droit garanti par les traités.
8.
Mais le but de la présente lettre, Vénérables Frères, est autre.
De même que vous êtes venus Nous faire, à Notre chevet de malade, une visite
affectueuse, de même, à Notre tour, Nous Nous tournons aujourd’hui vers vous,
et par vous vers les catholiques d’Allemagne qui, comme tous les fils souffrants
et opprimés, sont plus particulièrement présents au cœur du Père commun. En
cette heure où votre foi est éprouvée, comme l’or, au feu de la tribulation et
de la persécution, tant ouverte que cachée, à l’heure où votre liberté
religieuse est victime d’un investissement organisé sous mille formes, à
l’heure où pèse lourdement sur vous le manque d’un enseignement fidèle à la
vérité et de normales possibilités de défense, vous avez doublement droit à une
parole de vérité et de spirituel réconfort de la part de celui dont le premier
prédécesseur s’entendit adresser par le Sauveur cette parole si pleine :
« J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point, et toi, à ton
tour, confirme tes frères. »1616
Lc 22,32
Vraie foi en Dieu
9.
Prenez garde, Vénérables Frères, qu’avant toute autre chose la
foi en Dieu, premier et irremplaçable fondement de toute religion, soit
conservée en Allemagne, pure et sans falsification. Ne croit pas en Dieu celui
qui se contente de faire usage du mot Dieu dans ses discours, mais celui-là
seulement qui à ce mot sacré unit le vrai et digne concept de la divinité.
10.
Quiconque identifie, dans une confusion panthéistique, Dieu et
l’univers, abaissant Dieu aux dimensions du monde ou élevant le monde à celles
de Dieu, n’est pas de ceux qui croient en Dieu.
11.
Quiconque, suivant une prétendue conception des anciens Germains
d’avant le Christ, met le sombre et impersonnel destin à la place du Dieu
personnel, nie par le fait la Sagesse et la Providence de Dieu, qui
« fortement et suavement agit d’une extrémité du monde à l’autre »1717
Sg 8,1 et conduit toutes
choses à une bonne fin : celui-là ne peut pas prétendre à être mis au
nombre de ceux qui croient en Dieu.
12.
Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de
l’État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de
la communauté humaine – toutes choses qui tiennent dans l’ordre terrestre une
place nécessaire et honorable, – quiconque prend ces notions pour les retirer
de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte
idolâtrique, celui-là renverse et fausse l’ordre des choses créé et ordonné par
Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d’une conception de la
vie répondant à cette foi.
13.
Prenez garde, Vénérables Frères, à l’abus croissant, dans la
parole comme dans les écrits, qui consiste à employer le nom de Dieu trois fois
saint comme une étiquette vide de sens que l’on place sur n’importe quelle
création, plus ou moins arbitraire, de la spéculation et du désir humain.
Agissez sur vos fidèles, afin qu’ils soient attentifs à opposer à une telle
aberration le refus qu’elle mérite. Notre Dieu est le Dieu personnel,
surnaturel, tout-puissant, infiniment parfait, unique dans la Trinité des
personnes et tripersonnel dans l’unité de l’Essence divine, le Créateur de tout
ce qui existe, le Seigneur et Roi et l’ultime consommateur de l’histoire du
monde, qui n’admet ni ne peut admettre à côté de lui aucun autre dieu.
14.
Ce Dieu a, en souverain maître, donné ses commandements. Ils
valent indépendamment du temps et de l’espace, du pays et de la race. De même
que le soleil de Dieu luit sur tout visage humain, de même sa loi ne connaît ni
privilège ni exception. Gouvernants et gouvernés, couronnés et non-couronnés,
grands et humbles, riches et pauvres sont également soumis à sa parole. De la totalité
de ses droits de Créateur découle naturellement la totalité de son droit à être
obéi par les individus et par les communautés de toute espèce. Cette obéissance
exigée embrasse toutes les branches de l’activité dans lesquelles des questions
morales réclament la mise en accord avec la loi de Dieu, et par conséquent
l’intégration de la changeante loi humaine dans l’ensemble de l’immuable loi
divine.
15.
Seuls des esprits superficiels peuvent tomber dans l’erreur qui
consiste à parler d’un Dieu national, d’une religion nationale ; seuls ils
peuvent entreprendre la vaine tentative d’emprisonner Dieu, le Créateur de
l’univers, le Roi et le Législateur de tous les peuples, devant la grandeur
duquel les nations sont « comme une goutte d’eau suspendue à un
seau »1818
Es 40,15 dans les frontières d’un seul peuple, dans l’étroitesse
de la communauté de sang d’une seule race.
16.
Les évêques de l’Église du Christ, établis « pour ce qui se
rapporte à Dieu »1919
He 5,1 , doivent veiller à ce que de pernicieuses erreurs de cette
sorte, que des pratiques encore plus pernicieuses ont coutume de suivre, ne
prennent pas pied parmi les fidèles. Il appartient à la sainteté de leur charge
de tout faire, autant qu’il dépend d’eux, pour que les commandements de Dieu
soient considérés et observés, comme étant le fondement obligatoire de toute
vie privée et publique moralement ordonnée ; pour que les droits de la
Majesté divine, le Nom et la parole de Dieu ne soient pas profanés2020
Tt 2,5 ; pour mettre fin aux blasphèmes qui, par la parole,
la plume et l’image sont multipliés aujourd’hui comme le sable de la mer ;
pour que, à côté de l’obstination et des provocations de ceux qui nient Dieu,
qui méprisent Dieu, qui haïssent Dieu, ne se relâche jamais la prière
réparatrice des fidèles, qui tel un encens, d’heure en heure, monte vers le
Très-Haut et arrête sa main vengeresse.
17.
Nous vous remercions, Vénérables Frères, Nous remercions vos prêtres
et tous vos fidèles, qui, dans la défense des droits de la divine Majesté
contre un nouveau paganisme agressif, et favorisé, hélas ! de bien des
manières par des hommes influents, ont rempli et continuent à remplir leur
devoir de chrétiens. Ce remerciement va, plus chaleureux encore et mêlé d’une
admiration reconnaissante, à ceux qui, dans l’accomplissement de ce devoir, ont
été jugés dignes de s’attirer pour l’amour de Dieu le sacrifice et la
souffrance.
La vraie foi au Christ
18.
Aucune foi en Dieu ne peut se maintenir longtemps pure et sans
alliage si elle n’est soutenue par la foi au Christ. « Personne ne connaît
le Fils si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père si ce n’est le
Fils, et celui à qui le Fils voudra le révéler2121
Lc 10,22 . » « La
vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui
que tu as envoyé, Jésus-Christ. »2222
Jn 17,3. Personne ne peut donc
dire : je crois en Dieu, cela me suffit en fait de religion. La parole du
Sauveur ne laisse aucune place à des échappatoires de cette sorte. « Qui
renie le Fils n’a pas non plus le Père, et qui confesse le Fils a aussi le
Père. »2323
1 Jn 2,23
19.
En Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, est apparue la
plénitude de la Révélation divine. « En beaucoup de manières et à diverses
reprises, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes. Quand les temps furent
accomplis, il nous a parlé par son Fils. »2424
He 1,1 ss Les
livres sacrés de l’Ancien Testament sont entièrement parole de Dieu et forment
une partie substantielle de sa Révélation. En harmonie avec le développement
graduel de la Révélation plane sur eux une lumière encore voilée, celle des
temps qui ont préparé le plein jour de la Rédemption. Comme il ne saurait en
être autrement dans des livres historiques et didactiques, ils reflètent, dans
plus d’un détail, l’humaine imperfection, la faiblesse et le péché. À côté
d’innombrables traits de grandeur et de noblesse, ils nous décrivent aussi le
peuple choisi, porteur de la Révélation et de la Promesse, s’égarant sans cesse
loin de son Dieu pour se tourner vers le monde. Pour les yeux qui ne sont pas
aveuglés par le préjugé ou par la passion resplendit cependant d’autant plus
lumineusement, dans cette humaine prévarication, telle que l’histoire biblique
nous la rapporte, la lumière divine du plan sauveur qui triomphe finalement de
toutes les fautes et de tous les péchés. C’est précisément sur ce fond souvent
obscur que ressort dans de plus frappantes perspectives la pédagogie de salut
de l’Éternel, tour à tour avertissant, admonestant, frappant, relevant et
béatifiant ses élus. Seuls l’aveuglement et l’orgueil peuvent fermer les yeux
devant les trésors d’enseignement sauveur que recèle l’Ancien Testament.
20.
Qui veut voir bannies de l’Église et de l’école l’histoire
biblique et la sagesse des doctrines de l’Ancien Testament blasphème le Nom de
Dieu, blasphème le plan de salut du Tout-Puissant, érige une pensée humaine
étroite et limitée en juge des desseins divins sur l’histoire du monde. Il renie
la foi au Christ véritable, tel qu’il est apparu dans la chair, au Christ qui a
reçu son humaine nature d’un peuple qui devait le crucifier. Il demeure sans
rien y comprendre devant le drame universel du Fils de Dieu, qui opposait au
sacrilège de ses bourreaux la divine action sacerdotale de sa mort rédemptrice,
donnant ainsi, dans la nouvelle alliance, son accomplissement, son terme et son
couronnement à l’ancienne.
21.
Le point culminant de la Révélation atteint dans l’Évangile de
Jésus-Christ est définitif ; il oblige pour toujours. Cette Révélation ne
connaît pas de complément apporté de main d’homme ; elle n’admet pas
davantage d’être évincée et remplacée par d’arbitraires
« révélations » que certains porte-parole du temps présent prétendent
faire dériver de ce qu’ils appellent le Mythe du sang et de la race. Depuis que
le Christ, l’Oint du Seigneur, a accompli l’œuvre de la Rédemption, et que,
brisant le règne du péché, il nous a mérité la grâce de devenir enfants de
Dieu, depuis ce temps aucun autre nom sous le ciel n’a été donné aux hommes par
lequel ils puissent être sauvés, que le Nom de Jésus2525
Ac 4,12 . Aucun homme, quand même toute la science, tout le pouvoir,
toute la force extérieure du monde seraient incarnés en lui, ne peut poser un
fondement autre que celui qui a déjà été posé : le Christ2626
1 Co 3,11 . Celui qui, dans une sacrilège méconnaissance des différences
essentielles entre Dieu et la créature, entre l’Homme-Dieu et les enfants des
hommes, ose dresser un mortel, fût-il le plus grand de tous les temps, aux
côtés du Christ, bien plus, au-dessus de lui ou contre lui, celui-là mérite de
s’entendre dire qu’il est un prophète de néant, auquel s’applique le mot
effrayant de l’Écriture : « Celui qui habite dans les cieux se moque
d’eux. »2727
Ps 2,4
Vraie foi dans l’Église
22.
La foi au Christ ne saurait se maintenir pure et sans alliage si
elle n’est protégée et soutenue par la foi dans l’Église, « colonne et
fondement de la vérité »2828
1 Tm 3,15 . C’est le Christ lui-même, Dieu éternellement béni, qui
a dressé cette colonne de la foi. L’ordre qu’il a donné d’écouter l’Église2929
Mt 18,17. , d’accueillir dans les paroles et les commandements de
l’Église ses propres paroles et ses propres commandements3030
Lc 10,16 vaut pour les hommes de tous les temps et de tous les
pays. L’Église fondée par le Rédempteur est une, la même pour tous les peuples
et pour toutes les nations. Sous sa coupole, qui, comme le firmament, recouvre
la terre entière, il y a une patrie pour tous les peuples et toutes les
langues, il y a place pour le développement de toutes les qualités
particulières, de tous les avantages, de toutes les tâches et vocations
concédées par le Dieu Créateur et Sauveur tant aux individus qu’aux communautés
ethniques. Le cœur maternel de l’Église est assez grand et assez large pour
voir dans l’épanouissement voulu de Dieu de ces caractères et de ces dons
propres à chacun, la richesse de la variété, plus que le péril des divergences.
Elle se réjouit des supériorités spirituelles des individus et des peuples.
Elle voit, avec une joie et une fierté toutes maternelles, dans les succès
remportés par eux, des fruits d’éducation et de progrès qu’Elle bénit et
encourage, partout où Elle peut le faire en conscience. Mais Elle sait aussi
qu’à cette liberté des limites sont tracées par la majesté du commandement
divin qui a voulu et fondé cette Église essentiellement une et indivisible. Qui
touche à cette unité et à cette indivisibilité enlève à l’Épouse du Christ un
des diadèmes dont Dieu lui-même l’a couronnée. Il assujettit sa structure divine,
qui repose sur des fondements éternels, aux critiques et aux retouches
d’architectes que le Père des cieux n’a pas autorisés à bâtir.
23.
La divine mission de l’Église qui, agissant parmi les hommes,
est obligée d’agir par les hommes, peut être douloureusement obscurcie par ce
qu’il s’y mêle d’humain, de trop humain, et qui, sans cesse et sans cesse
renaissant, se développe comme l’ivraie au milieu du froment du Royaume de
Dieu. Quiconque connaît la parole du Sauveur sur le scandale et les scandaleux
sait quel jugement l’Église, et avec elle chacun de ses fils, doit porter sur
ce qui fut et sur ce qui est un péché. Mais celui qui, en regard de ces
condamnables désaccords entre la foi et la vie, entre les paroles et les actes,
entre la conduite extérieure et les sentiments intérieurs chez des individus –
si nombreux fussent-ils, – oublie ou passe volontairement sous silence la somme
énorme de vertus authentiques, d’esprit de sacrifice, d’amour fraternel,
d’héroïques élans vers la sainteté, celui-là fait preuve d’un aveuglement et
d’une injustice déplorables. Si ensuite il devient pleinement évident que la
mesure sévère dont il use vis-à-vis de l’Église abhorrée, il oublie de
l’appliquer aux communautés d’un autre genre qui lui sont proches par le
sentiment ou par l’intérêt, alors son appel et un sens de la pureté
prétendument blessé et offensé l’apparente à ceux qu’une paille dans l’œil de
leur frère, selon le mot incisif du Sauveur, empêche de voir la poutre qui est
dans le leur. Cependant, bien que ne soit pas très pure l’intention de ceux qui
se font une vocation, maintes fois même un vil métier, de scruter ce qu’il y a
d’humain dans l’Église, et bien que les pouvoirs sacerdotaux communiqués par
Dieu ne dépendent pas de la valeur humaine du prêtre ni de son élévation
morale, il n’en demeure pas moins vrai qu’à aucune époque de l’histoire aucun
individu, dans aucune communauté, ne peut se libérer du devoir d’examiner
loyalement sa conscience, de se purifier impitoyablement, de se renouveler
énergiquement en lui-même, dans son esprit et dans ses actes. Dans Notre
encyclique sur le Sacerdoce, Nous avons attiré l’attention avec une insistance
pressante sur le devoir sacré, pour tous ceux qui appartiennent à l’Église, et
surtout pour tous ceux qui font partie de l’état sacerdotal et religieux, et de
l’apostolat laïque, de mettre leur foi et la conduite de leur vie dans cette
harmonie qu’exige la loi de Dieu et que réclame l’Église avec une énergie
inlassable. Et aujourd’hui encore Nous répétons avec une gravité
profonde : il ne suffit pas de faire partie de l’Église du Christ. Il faut
encore être un membre vivant de cette Église, en esprit et en vérité. Et ne le
sont que ceux qui se maintiennent en état de grâce et vivent continuellement en
présence de Dieu, dans l’innocence ou dans une sincère et effective pénitence.
Alors que l’Apôtre des nations, le « vase d’élection », réduisait son
corps en esclavage sous la verge de la mortification afin de n’être pas
lui-même réprouvé après avoir prêché aux autres3131
1 Co 9,27 , peut-il y avoir,
pour ceux à qui sont confiés la mise en valeur et l’accroissement du Royaume de
Dieu, une autre méthode de travail que celle qui unit le plus intimement leur
apostolat et leur propre sanctification ? Ainsi seulement l’on peut
montrer à l’humanité d’aujourd’hui et en première ligne aux contradicteurs de
l’Église que le « sel de la terre », que le levain du christianisme
ne s’est pas affadi, mais qu’il est apte et tout prêt à apporter aux hommes
d’aujourd’hui, prisonniers du doute et de l’erreur, plongés dans l’indifférence
et l’abandon, las de croire et éloignés de Dieu, le renouvellement et le
rajeunissement spirituel dont ils ont – qu’ils en conviennent ou non – un
besoin plus pressant que jamais. Une chrétienté ayant repris conscience
d’elle-même dans tous ses membres, rejetant tout partage, tout compromis avec
l’esprit du monde, prenant au sérieux les commandements de Dieu et de l’Église,
se conservant dans l’amour de Dieu et l’efficace amour du prochain, pourra et
devra être pour le monde, malade à mort, mais qui cherche qu’on le soutienne et
qu’on lui indique sa route, un modèle et un guide, si l’on ne veut pas qu’une indicible
catastrophe, un écroulement dépassant toute imagination ne fonde sur lui.
24.
Toute réforme vraie et durable, en dernière analyse, a eu son
point de départ dans la sainteté, dans des hommes qui étaient enflammés et
poussés par l’amour de Dieu et du prochain. Généreux, prêts à écouter tout
appel de Dieu et à le réaliser aussitôt en eux, et cependant sûrs d’eux-mêmes
parce que sûrs de leur vocation, ils ont grandi jusqu’à devenir les lumières et
les rénovateurs de leur temps. Là, au contraire, où le zèle réformateur n’a pas
jailli de la pureté personnelle, mais était l’expression et l’explosion de la
passion, il a troublé au lieu de clarifier, détruit au lieu de construire et il
a été plus d’une fois le point de départ d’aberrations plus fatales que les
maux auxquels il comptait ou prétendait remédier. Certes, « l’Esprit de Dieu
souffle où il veut »3232
Jn 3,8 : des pierres,
il peut faire surgir ceux qui préparent les voies à la réalisation de ses
desseins3333
Mt 3,9 ; Lc 3,8 . Il choisit les instruments de sa volonté
d’après ses propres plans et non d’après ceux des hommes. Mais Celui qui a
fondé l’Église, qui l’a appelée à l’existence sous le souffle de la Pentecôte,
ne saurait briser les assises fondamentales de l’institution de salut voulue de
lui-même. Quiconque est mû par l’esprit de Dieu a spontanément l’attitude qui
convient, intérieurement et extérieurement, vis-à-vis de l’Église, ce fruit
sacré de l’arbre de la Croix, ce don fait par l’Esprit de Dieu, le jour de la
Pentecôte, au monde désorienté.
25.
Dans vos contrées, Vénérables Frères, retentissent des voix,
dont le chœur va sans cesse se renforçant, qui invitent à sortir de l’Église.
Parmi les meneurs, il en est plus d’un qui, par leur position officielle,
cherchent à faire naître l’impression que cette sortie de l’Église et
l’infidélité qu’elle comporte envers le Christ-Roi constituent une preuve
particulièrement convaincante et méritoire de la fidélité envers l’État
d’aujourd’hui. Par des mesures de contrainte cachées ou apparentes, par
l’intimidation, par la perspective de désavantages économiques, professionnels,
civiques et autres, l’attachement des catholiques à leur foi, et en particulier
la fidélité de certaines classes de fonctionnaires catholiques, est soumise à
une pression aussi contraire au droit qu’à la dignité humaine. Toute Notre
paternelle complaisance et Notre plus profonde compassion vont à ceux qui
doivent payer si cher leur fidélité au Christ et à l’Église : mais, dès
l’instant où il y va des suprêmes et des plus hauts intérêts, où il s’agit de
se sauver ou de se perdre, le croyant n’a devant lui qu’une voie du salut,
celle du courage héroïque. Si le tentateur ou l’oppresseur vient lui proposer,
comme un marché de Judas la sortie de l’Église, alors il ne peut – même au prix
des plus lourds sacrifices terrestres – que lui opposer le mot du
Sauveur : « Retire-toi, Satan ; car il est écrit : tu
adoreras le Seigneur ton Dieu et tu ne serviras que lui seul. »3434
Mt 4,10 ; Lc 4,8 Et se tournant vers l’Église, il lui
dira : Ô toi qui es ma mère depuis les jours de mon enfance, ma
consolation dans la vie, mon avocate à l’heure de la mort, « que ma langue
adhère à mon palais » si, cédant à des promesses ou à des menaces
terrestres, je venais à trahir les vœux de mon baptême. Quant à ceux qui
s’imaginent qu’ils pourraient unir à l’abandon extérieur de l’Église la fidélité
intérieure à cette même Église, puisse leur servir de salutaire avertissement
cette parole du Sauveur : « Celui qui m’aura renié devant les hommes,
je le renierai moi aussi devant mon Père qui est dans les cieux. »3535
Lc 12,9
Vraie foi à la Primauté
26.
La foi à l’Église ne pourra se maintenir pure de toute
falsification si elle n’est appuyée sur la foi à la primauté de l’évêque de
Rome. Dans le même instant où Pierre, devant tous les disciples et apôtres,
confessait la foi au Christ, Fils du Dieu vivant, il recevait en réponse, comme
récompense de sa foi et de sa confession, la parole qui fondait l’Église,
l’unique Église du Christ, sur le roc de Pierre3636
Mt 16,18 . Ainsi est consacrée la connexion entre la foi au
Christ, à l’Église, et la foi à la Primauté. Une autorité véritable et conforme
à la loi est partout un lien d’unité, une source de force, une garantie contre
la division et la ruine, une caution pour l’avenir : mais cela se vérifie
dans le sens le plus haut et le plus sublime là où, comme dans l’Église et dans
l’Église seule, cette autorité a reçu la promesse de la conduite du
Saint-Esprit et de son invincible assistance. Si des hommes qui ne sont pas
même unis dans la foi au Christ viennent vous présenter la séduisante image
d’une Église nationale allemande, sachez que ce n’est autre chose qu’un
reniement de l’unique Église du Christ, l’évidente trahison de cette mission
d’évangélisation universelle à laquelle, seule, une Église mondiale peut
suffire et s’adapter. L’histoire vécue par d’autres Églises nationales, leur
engourdissement, la façon dont elles ont été enchaînées ou domestiquées par les
pouvoirs terrestres prouvent la stérilité sans espoir à laquelle est voué avec
une immanquable certitude tout sarment qui se sépare du cep vivant de l’Église.
Celui qui, dès le début, oppose à des développements erronés de cette espèce un
« non » vigilant et inexorable, celui-là sert non seulement la pureté
de sa foi au Christ, mais aussi la santé et la force vitale de son peuple.
Pas de fausses interprétations des mots et concepts sacrés.
27.
Il vous faudra veiller d’un œil particulièrement attentif,
Vénérables Frères, à ce que les concepts religieux fondamentaux ne viennent pas
à être vidés de leur contenu essentiel et détournés vers un sens profane.
28.
« Révélation », au sens chrétien du mot, désigne la
parole dite par Dieu aux hommes. Employer ce même mot pour les
« suggestions » du sang et de la race, pour les irradiations de
l’histoire d’un peuple, c’est, à coup sûr, créer une équivoque. Une fausse
monnaie de cette sorte ne mérite pas de passer dans l’usage des fidèles du
Christ.
29.
La « foi » consiste à tenir pour vrai ce que Dieu a
révélé et propose par son Église à la croyance des hommes. C’est la
« conviction solide des choses invisibles »3737
He 11,1. . La joyeuse et fière
confiance dans l’avenir de son peuple, qui tient au cœur de chacun, signifie
tout autre chose que la foi dans le sens religieux du mot. Donner l’un pour
l’autre, vouloir remplacer l’un par l’autre et exiger là-dessus d’être reconnu
par les disciples du Christ comme un « croyant », c’est un jeu de
mots vide de sens, quand ce n’est pas la confusion voulue des concepts, ou
quelque chose de pire.
30.
« Immortalité », dans le sens chrétien, veut
dire : continuation de la vie de l’homme après la mort terrestre, dans sa
personnalité individuelle, pour son éternelle récompense, ou pour son éternel
châtiment. Quiconque ne veut désigner par le mot :
« immortalité » que la continuation ici-bas de la vie collective dans
la durée de son peuple pour un avenir d’une longueur indéterminée, celui-là
renverse et falsifie l’une des vérités fondamentales de la foi chrétienne, il
touche aux bases mêmes de la conception religieuse de l’univers, qui exige un
ordre moral dans le monde. S’il ne veut pas être chrétien, qu’il renonce au
moins à enrichir le vocabulaire de son incroyance en puisant au trésor des
concepts chrétiens.
31.
Le « péché originel » est la faute héréditaire, bien
que non personnelle, des descendants d’Adam, qui « ont péché en lui »3838
Rm 5,12 . C’est la perte de
la grâce – et, par conséquent de la vie éternelle, – jointe à la propension au
mal, que chacun doit, avec l’aide de la grâce, de la pénitence, de la lutte, de
l’effort moral, refouler et surmonter. La passion et la mort du Fils de Dieu
ont racheté le monde de la malédiction héréditaire du péché et de la mort. La
foi à ces vérités, qui sont aujourd’hui en butte, dans votre patrie, à la
facile raillerie des adversaires du Christ, appartient au contenu inaliénable
de la religion chrétienne.
32.
La Croix du Christ, encore que son nom seul soit déjà devenu
pour beaucoup une folie et un scandale3939
1 Co 1,23 , demeure pour le
croyant le signe sanctifié de la Rédemption, l’emblème de la force et de la
grandeur morales. Nous vivons sous son ombre. Nous mourons dans son baiser. Il
faut qu’elle se dresse sur notre tombe, pour proclamer notre foi, pour
témoigner de notre espérance dans la lumière éternelle.
33.
L’humilité, dans l’esprit de l’Évangile, et la prière pour
obtenir le secours de la grâce de Dieu peuvent parfaitement s’unir à l’estime
de soi-même, à la confiance en soi, à l’héroïsme. L’Église du Christ, qui à
travers tous les temps et jusqu’au présent le plus récent compte plus de
confesseurs et de martyrs volontaires que toute autre collectivité morale, n’a
besoin de recevoir de personne des leçons sur l’héroïsme des sentiments et des
actes. Dans sa misérable façon de railler l’humilité chrétienne, comme une
dégradation de soi-même et une attitude sans courage, l’odieux orgueil de ces
novateurs se couvre lui-même de ridicule.
34.
On peut appeler « grâce », dans un sens impropre, tout
don du Créateur à la créature. Toutefois la « grâce », au sens propre
et chrétien du mot, comprend les témoignages surnaturels de l’amour de Dieu, la
faveur et l’action de Dieu par laquelle il élève l’homme à cette intime
communauté de vie avec lui, que le Nouveau Testament nomme « l’adoption
des enfants de Dieu ». « Voyez de quel grand amour le Père a fait
preuve envers nous, puisque nous pouvons nous appeler et que nous sommes en
fait, enfants de Dieu. »4040
1 Jn 3,1. Rejeter cette
élévation gratuite et surnaturelle au nom d’un prétendu caractère allemand est
une erreur : c’est combattre ouvertement une vérité fondamentale du
christianisme. Mettre sur le même plan la grâce surnaturelle et les dons de la
nature, c’est un abus du vocabulaire créé et consacré par la religion. Les
pasteurs et gardiens du peuple de Dieu feront bien d’opposer une action
vigilante à ce larcin fait aux choses saintes et à cette confusion des esprits.
Morale et ordre moral
35.
Sur la foi en Dieu, gardée intacte et sans tache, repose la
moralité de l’humanité. Toutes les tentatives pour ôter à la morale et à
l’ordre moral le fondement, solide comme le roc, de la foi et pour les établir
sur le sable mouvant des règles humaines, conduisent tôt ou tard individus et
sociétés à la ruine morale. L’insensé qui dit dans son cœur : Il n’y a pas
de Dieu, marchera dans les voies de la corruption morale4141
Ps 13,1 ss . Le nombre de ces insensés, qui aujourd’hui
entreprennent de séparer moralité et religion, est devenu légion. Ils ne voient
pas ou ne veulent pas voir que bannir le christianisme confessionnel,
c’est-à-dire la conception claire et précise du christianisme, de
l’enseignement et de l’éducation, de l’organisation de la vie sociale et
publique, c’est aller à l’appauvrissement spirituel et à la décadence. Aucune
puissance coercitive de l’État, aucun idéal purement humain, si noble et si
élevé soit-il en lui-même, ne sera jamais capable de remplacer en fin de compte
les suprêmes et décisives impulsions que donne la foi en Dieu et au Christ. Si,
à celui qui est appelé à faire les plus grands sacrifices, à immoler son
« moi » au bien commun, on ôte l’appui de l’éternel et du divin, la
foi réconfortante et consolante au Dieu qui récompense tout bien et punit tout
mal, alors, pour un grand nombre, le résultat final sera, non pas l’acceptation
du devoir, mais la fuite devant lui. La consciencieuse observation des dix
commandements de Dieu et des préceptes de l’Église (qui ne sont, eux, que des
déterminations pratiques des règles de l’Évangile) est pour chaque individu une
incomparable école de discipline individuelle, d’éducation morale et de
formation du caractère, une école qui exige beaucoup, mais pas trop. Le Dieu
plein de bonté, qui, comme législateur, dit : « Tu dois », donne
aussi par sa grâce « le pouvoir et le faire ». Laisser inutilisées
des forces de formation morale d’une efficacité aussi profonde, les exclure
même positivement de l’éducation du peuple, c’est contribuer d’une façon
injustifiable à la sous-alimentation religieuse de la nation. Livrer la morale
à l’opinion subjective des hommes, qui change suivant les fluctuations des
temps, au lieu de l’ancrer dans la sainte volonté du Dieu éternel et dans ses
commandements, c’est ouvrir la porte toute grande aux forces destructrices.
L’abandon, qui en résulte, des éternels principes d’une morale objective, pour
l’éducation des consciences, pour l’ennoblissement de tous les domaines et de
toutes les organisations de la vie, c’est un péché contre l’avenir du peuple,
un péché dont les générations futures devront goûter les fruits amers.
Reconnaissance du droit naturel
36.
Tel est le fatal entraînement de nos temps, qu’il détache du
fondement divin de la Révélation, non seulement la morale, mais aussi le droit
théorique et pratique. Nous pensons ici en particulier à ce qu’on appelle le
droit naturel, inscrit de la main même du Créateur sur les tables du cœur
humain4242
Rm 2,14 ss et que la saine raison peut y lire quand elle n’est pas
aveuglée par le péché et la passion. C’est d’après les commandements de ce
droit de nature que tout droit positif, de quelque législateur qu’il vienne,
peut être apprécié dans son contenu moral, et, par là même, dans l’autorité
qu’il a d’obliger en conscience. Des lois humaines qui sont en contradiction
insoluble avec le droit naturel sont marquées d’un vice originel qu’aucune
contrainte, aucun déploiement extérieur de puissance ne peut guérir. C’est à la
lumière de ce principe qu’il faut juger l’axiome : « Le droit, c’est
l’utilité du peuple. » On peut, certes, donner à cette proposition un sens
correct, si on lui fait dire que ce qui est moralement défendu ne peut jamais
servir au véritable bien du peuple. Cependant, le paganisme ancien
reconnaissait déjà que l’axiome, pour être pleinement exact, doit être, en
réalité, retourné, et s’exprimer ainsi : « Il est impossible qu’une
chose soit utile si elle n’est pas en même temps moralement bonne. Et ce n’est
point parce qu’elle est utile qu’elle est moralement bonne, mais parce qu’elle
est moralement bonne elle est utile. »4343
Cicéron, De officiis III,30
37.
Affranchi de cette règle morale, ce principe signifierait, dans
la vie internationale, l’état de guerre perpétuel entre les différentes
nations. Dans la vie nationale, il méconnaît, par l’amalgame qu’il fait des
considérations de droit et d’utilité, le fait fondamental, que l’homme, en tant
que personne, possède des droits qu’il tient de Dieu et qui doivent demeurer
vis-à-vis de la collectivité hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à
les abolir ou à les négliger. Mépriser cette vérité, c’est oublier que le
véritable bien commun est déterminé et reconnu, en dernière analyse, par la
nature de l’homme, qui équilibre harmonieusement droits personnels et
obligations sociales, et par le but de la société, déterminé aussi par cette
même nature humaine. La société est voulue par le Créateur comme le moyen
d’amener à leur plein développement les dispositions individuelles et les
avantages sociaux que chacun, donnant et recevant tour à tour, doit faire
valoir pour son bien et celui des autres. Quant aux valeurs plus générales et
plus hautes, que seule la collectivité, et non plus les individus isolés, peut
réaliser, elles aussi, en définitive, sont, par le Créateur, voulues pour
l’homme, pour son plein épanouissement naturel et surnaturel et l’achèvement de
sa perfection. S’écarter de cet ordre, c’est ébranler les colonnes sur lesquelles
repose la société, et donc compromettre la tranquillité, la sécurité et
l’existence même de la société.
38.
Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la
vivre comme elle veut être vécue. Des lois qui étouffent ou rendent difficiles
la profession et la pratique de cette foi sont en contradiction avec le droit
naturel.
39.
Des parents sérieux, conscients de leur devoir d’éducateurs, ont
un droit primordial à régler l’éducation des enfants que Dieu leur a donnés,
dans l’esprit de leur foi, en accord avec ses principes et ses prescriptions.
Des lois ou d’autres mesures qui éliminent dans les questions scolaires cette
libre volonté des parents, fondée sur le droit naturel, ou qui la rendent
inefficace par la menace ou la contrainte, sont en contradiction avec le droit
naturel et sont foncièrement immorales. L’Église, à qui revient, de par sa
mission, le soin de garder et d’expliquer le droit naturel, divin dans son
origine, ne peut s’empêcher de déclarer les toutes récentes inscriptions aux
écoles, faites dans l’absence notoire de toute liberté, un résultat de la
contrainte, auquel les caractères du droit font totalement défaut.
À la jeunesse
40.
Comme Vicaire de Celui qui a dit au jeune homme de
l’Évangile : « Si tu veux entrer dans la vie, garde les
commandements »4444
Mt 19,17 , Nous adressons une parole particulièrement paternelle à
la jeunesse.
41.
Des milliers de voix font retentir aujourd’hui à vos oreilles un
Évangile qui n’a pas été révélé par le Père des cieux. Des milliers de plumes
écrivent au service d’un prétendu christianisme qui n’est pas le christianisme
du Christ. La presse et la radio vous envahissent quotidiennement de
productions hostiles à la foi et à l’Église, impudemment agressives envers tout
ce qui doit vous être le plus vénérable et le plus sacré.
42.
Beaucoup, beaucoup d’entre vous, à cause de leur fidélité à la
foi et à l’Église, à cause de leur affiliation à des associations religieuses,
garanties par le Concordat, ont dû et doivent encore, Nous le savons, subir
cette tragique épreuve de voir incomprise, suspectée, outragée, niée même, leur
fidélité à la patrie, souffrir en outre toutes sortes de dommages dans leur vie
professionnelle et sociale. Nous ne sommes pas non plus sans savoir qu’il y a
dans vos rangs plus d’un obscur soldat du Christ qui, le cœur en deuil, mais la
tête haute, supporte son sort et trouve son unique consolation dans la pensée
de souffrir des affronts pour le Nom de Jésus4545
Ac 5,41. .
43.
Aujourd’hui, la voyant sous la menace de nouveaux dangers et de
nouvelles tracasseries, Nous disons à cette jeunesse : Si quelqu’un
voulait vous annoncer un Évangile autre que celui que vous avez reçu sur les
genoux d’une pieuse mère, des lèvres d’un père croyant, ou par l’enseignement
d’un éducateur fidèle à son Dieu et à son Église, « qu’il soit
anathème »4646
Ga 1,9. . Si l’État fonde une
jeunesse nationale, cette organisation obligatoire doit être ouverte à tous, et
c’est alors – sans préjudice des droits des associations religieuses – pour les
jeunes gens eux-mêmes et pour les parents qui en répondent devant Dieu, un
droit incontestable et inaliénable d’exiger que cette organisation d’État soit
purgée de toutes les manifestations d’un esprit ennemi du christianisme et de
l’Église, manifestations qui, tout récemment encore et aujourd’hui même,
mettent la conscience des parents chrétiens dans une insoluble alternative,
puisqu’ils ne peuvent donner à l’État ce qu’il exige qu’en dérobant à Dieu ce
qui est à Dieu.
44.
Nul ne songe, certes, à barrer la route qui doit conduire la
jeunesse allemande à la constitution d’une vraie communauté ethnique, dans le
noble amour de la liberté, l’inviolable fidélité à la patrie. Ce contre quoi
Nous Nous élevons, et Nous devons Nous élever, c’est l’antagonisme
volontairement et systématiquement suscité entre ces préoccupations d’éducation
nationale et celles du devoir religieux. Voilà pourquoi nous crions à cette
jeunesse : Chantez vos hymnes à la liberté, mais n’oubliez pas pour autant
la liberté des enfants de Dieu ! Ne laissez pas la noblesse de cette
irremplaçable liberté s’avilir dans l’esclavage du péché et de la sensualité.
Qui chante l’hymne de la fidélité à la patrie terrestre ne doit pas, par
l’infidélité à son Dieu, à son Église, devenir un déserteur et un traître à sa
patrie céleste. On vous parle beaucoup de la grandeur héroïque, que l’on oppose
consciemment et mensongèrement à l’humilité et à la patience évangéliques.
Pourquoi donc vous taire qu’il y a aussi un héroïsme des luttes morales ?
que la conservation de l’innocence baptismale constitue un haut fait d’héroïsme
qui devrait recevoir dans l’ordre religieux, et naturel aussi, l’hommage qu’il
mérite ? On vous parle beaucoup des faiblesses humaines qui ternissent
l’histoire de l’Église. Pourquoi donc vous taire les exploits qui jalonnent sa
route au cours des siècles, les saints qu’elle a enfantés, la bénédiction qui a
découlé pour la civilisation occidentale de l’union vivante entre cette Église
et votre peuple ? On vous parle beaucoup d’exercices sportifs. Pratiquée
avec mesure et contenue dans de justes limites, l’éducation physique est un
bienfait pour la jeunesse. Pour ce qui est du temps à y consacrer, on lui donne
maintenant trop souvent une telle ampleur qu’on ne tient plus compte ni du
développement harmonieux du corps et de l’esprit, ni des égards dus à la vie de
famille ni du précepte de la sanctification du dimanche. Avec une indifférence
qui confine au mépris, on enlève au jour du Seigneur son caractère sacré et son
recueillement, naguère si conforme aux meilleures traditions allemandes. Nous
attendons avec confiance de la jeunesse croyante et catholique que, dans le
milieu peu favorable des organisations de l’État, elle fasse énergiquement
valoir son droit à une chrétienne sanctification du dimanche, que pour
l’exercice du corps elle n’oublie pas son âme immortelle, qu’elle ne se laisse
pas vaincre par le mal, mais qu’elle vise, au contraire, à triompher du mal par
le bien4747
Rm 12,21 , que sa plus haute et plus sainte ambition demeure celle
de remporter la couronne dans le stade de la vie éternelle4848
1 Co 9,24 ss .
Aux prêtres et aux religieux
45.
Nous adressons une parole spéciale de félicitation, d’encouragement,
d’exhortation aux prêtres d’Allemagne, auxquels, dans un temps difficile et des
conjonctures délicates, il incombe, sous la dépendance des évêques, d’indiquer
au troupeau du Christ le droit chemin, par la parole et par l’exemple, par le
dévouement quotidien, par une apostolique patience. Ne vous lassez pas,
bien-aimés Fils, qui participez avec Nous aux saints mystères, d’exercer, à la
suite du Souverain Prêtre éternel, Jésus-Christ, la charité et la sollicitude
du bon Samaritain. Que votre conduite de chaque jour se conserve sans tache
devant Dieu dans la poursuite incessante de votre perfection et sanctification,
dans une miséricordieuse charité à l’égard de tous ceux qui vous sont confiés,
de ceux-là en particulier qui sont exposés, qui sont faibles, qui chancellent.
Soyez les guides des fidèles, le soutien de ceux qui trébuchent, les docteurs
de ceux qui doutent, les consolateurs des affligés, les aides et les
conseillers désintéressés de tous. Les épreuves et les souffrances que votre
peuple a traversées dans le temps d’après-guerre n’ont point passé sur son âme
sans y laisser de trace. Elles ont laissé derrière elles des angoisses et des
amertumes qui ne peuvent guérir que lentement et dont on ne pourra triompher
vraiment que dans un esprit de charité effective et désintéressée. Cette
charité, arme indispensable de l’apôtre, surtout dans le monde d’aujourd’hui
bouleversé et égaré par la haine, Nous vous la souhaitons et Nous l’implorons
du Seigneur dans une mesure débordante. Cette apostolique charité vous fera,
sinon oublier, du moins pardonner beaucoup d’amertumes imméritées et
aujourd’hui plus nombreuses que jamais sur votre chemin de pasteurs d’âmes et
de prêtres.
46.
Cette charité intelligente et compatissante envers les égarés,
envers ceux-là mêmes qui vous outragent, ne signifie nullement et ne peut
nullement signifier un renoncement quel qu’il soit à la proclamation, à la
revendication, à la défense courageuse de la vérité et à sa franche application
à la réalité qui vous environne. Le premier don de l’amour du prêtre à son
entourage, celui qui s’impose le plus évidemment, c’est celui qui consiste à
servir la vérité, toute la vérité, à dévoiler et à réfuter l’erreur sous
quelque forme, sous quelque masque ou déguisement qu’elle se présente. Une
défaillance sur ce point ne serait pas seulement une trahison envers Dieu et
envers votre sainte vocation, ce serait aussi une faute contre le bien
véritable de votre peuple et de votre patrie. Vers tous ceux qui ont gardé
vis-à-vis de leurs évêques la fidélité promise au jour de leur ordination, vers
tous ceux qui, en exerçant conformément à leur devoir leur tâche de pasteurs,
ont eu et ont encore à supporter la souffrance et la persécution, vers tous
vont – et pour certains jusque dans leur cellule de prison, dans leur camp de
concentration – la reconnaissance et l’approbation du Père de la chrétienté.
47.
Aux religieux et religieuses catholiques s’adresse également
Notre paternelle reconnaissance, à laquelle se joint la part très intime que
Nous prenons au sort de beaucoup d’entre eux qui, en vertu de mesures
administratives hostiles aux Ordres religieux, ont été arrachés au labeur béni
et aimé de leur vocation. Si quelques-uns ont succombé et se sont montrés
indignes de leur sainte profession, leur faute, que l’Église aussi châtie, ne
diminue pas le mérite de l’immense majorité qui, dans l’abnégation et la
pauvreté volontaires, s’est efforcée par son dévouement à servir Dieu et la
patrie. Par leur zèle, leur fidélité, leur vertu, leur active charité, la
promptitude de leur dévouement, les Ordres voués au soin des âmes, au service
des malades et à l’enseignement, ne cessent d’apporter une glorieuse contribution
au bien privé et public. Nul doute qu’un jour un avenir plus calme leur rendra
meilleure justice que le présent trouble où nous vivons. Nous avons confiance
que les chefs des communautés religieuses sauront prendre occasion des
difficultés et des épreuves pour obtenir du Tout-Puissant, par un redoublement
de zèle, par une vie de prière plus intense, par la sainte austérité de leur
vocation et la parfaite discipline religieuse, un renouveau de bénédictions et
de fécondité sur leur pénible labeur.
Aux fidèles du laïcat
48.
Nous avons devant les yeux la foule immense de Nos fidèles
enfants, de Nos fils et de Nos filles, auxquels la souffrance de l’Église en
Allemagne et leur propre souffrance n’ont rien ôté de leur dévouement à la
cause de Dieu, ni de leur tendre amour pour le Père de la chrétienté, ni de
leur obéissance envers les évêques et les prêtres, ni de leur joyeuse
résolution de demeurer toujours, et quoi qu’il advienne, fidèles à leur
croyance, à l’héritage sacré de leurs ancêtres. À eux tous, Nous envoyons d’un
cœur ému Notre paternel souvenir.
49.
Et d’abord aux membres des associations religieuses qui,
courageusement et au prix, souvent, de douloureux sacrifices, sont restés
fidèles au Christ et ne se sont pas montrés disposés à abandonner les droits
qu’un accord solennel leur avait, à l’Église et à eux, garantis selon les
règles de la loyauté et de la bonne foi.
50.
Nous adressons un salut particulièrement cordial aux parents
catholiques. Les droits et les devoirs d’éducateurs à eux conférés par Dieu
sont précisément dans le moment présent l’enjeu d’une lutte telle qu’on en peut
à peine imaginer une qui soit plus lourde de conséquences. L’Église ne peut
attendre pour commencer à gémir et se plaindre que les autels soient dévastés,
que des mains sacrilèges aient incendié les temples. Si l’on tente, par une
éducation ennemie du Christ, de profaner ce tabernacle qu’est l’âme de l’enfant
consacrée par le baptême, si de ce temple vivant de Dieu on veut arracher la lampe
éternelle de la foi du Christ pour lui substituer la lumière trompeuse d’une
contrefaçon de la foi qui n’a plus rien à voir avec la foi de la Croix, alors
la violation spirituelle du temple est proche, alors c’est pour quiconque
confesse le Christ un devoir de dégager nettement sa responsabilité de celle du
camp adverse, de libérer sa conscience de toute coopération coupable à une
telle machination et à une telle corruption. Et plus les ennemis s’efforcent de
déguiser sous de beaux semblants leurs sombres desseins, plus il y a lieu d’y
opposer une méfiance vigilante, une vigilance provoquée à la méfiance par une
expérience trop amère.
51.
Le maintien pour la forme d’une leçon de religion – leçon au
surplus contrôlée et entravée par des hommes sans mandat – et cela dans le
cadre d’une école qui, dans les autres domaines de l’éducation, travaille
systématiquement et haineusement à rencontre de cette même religion, ne suffit
pas à fournir à un fidèle du Christ une excuse légitime pour donner son
suffrage complaisant à une telle école destructrice de la religion. Nous
savons, chers parents catholiques, que d’une pareille complaisance il ne peut
être question pour vous. Nous savons qu’un vote libre et secret parmi vous
équivaudrait à un plébiscite victorieux en faveur de l’école confessionnelle.
Et c’est pourquoi Nous ne Nous lasserons jamais de représenter franchement aux
autorités responsables et l’iniquité des mesures de contrainte employées
jusqu’à présent et le devoir de respecter la liberté de l’éducation. Cependant,
n’oubliez jamais ceci : de la responsabilité qui, par la volonté de Dieu,
vous lie vis-à-vis de vos enfants, nulle puissance terrestre n’a le pouvoir de
vous délier. Aucun de ceux qui aujourd’hui vous oppriment dans l’exercice de
vos droits d’éducateurs et prétendent vous relever de vos devoirs d’éducateur
ne pourra répondre à votre place au Juge éternel lorsqu’il vous
interrogera : « Où sont-ils, ceux que je t’avais donnés ? »
Puisse chacun de vous être en mesure de lui répondre : « De ceux que
tu m’as donnés, je n’en ai perdu aucun. »4949
Jn 18,9
*
* *
52.
Vénérables Frères, Nous en sommes certain, les paroles que dans
une heure décisive Nous vous adressons, à vous et, par vous, aux catholiques du
Reich allemand, trouveront dans les cœurs et dans les actes de Nos fidèles
enfants l’écho qui doit répondre à la tendre sollicitude du Père commun. S’il
est une chose que Nous implorons du Seigneur avec une ardeur singulière, c’est
bien celle-ci : que Nos paroles parviennent aussi à l’oreille et au cœur,
qu’elles éveillent les réflexions de ceux qui ont déjà commencé à se laisser
prendre aux appâts et aux menaces des adversaires du Christ et de son saint
Évangile.
53.
Nous avons pesé chacun des mots de cette lettre à la balance de
la vérité, et de l’amour aussi. Nous ne voulions, ni par un silence inopportun
devenir complice de l’équivoque ni par trop de sévérité exposer à
l’endurcissement le cœur d’aucun de ceux qui vivent sous Notre responsabilité
de Pasteur et auxquels Notre amour de Pasteur ne s’applique pas moins du fait
que, pour l’heure, ils se fourvoient dans les chemins de l’erreur et de
l’infidélité. Et quand bien même beaucoup d’entre eux, s’adaptant à la
mentalité de leur nouvel entourage n’auraient plus pour la maison paternelle
abandonnée par eux et pour le Père lui-même que des paroles de défiance,
d’ingratitude, ou même d’insulte, quand ils oublieraient tout ce qu’ils ont
rejeté, le jour viendra où l’angoisse de l’éloignement de Dieu et du désarroi
de leur âme s’abattra sur ces fils aujourd’hui perdus, où la nostalgie les
ramènera « au Dieu qui réjouissait leur jeunesse », à l’Église dont
la main paternelle leur avait enseigné le chemin qui conduit au Père des cieux.
Hâter cette heure, c’est l’objet de Notre continuelle prière.
54.
Comme d’autres époques de l’histoire de l’Église, celle-ci sera
le prélude d’une nouvelle ascension et d’une purification intérieure, à la
seule condition que les fidèles se montrent assez fiers dans la confession de
leur foi au Christ, assez généreux en face de la souffrance pour opposer à la
force matérielle des oppresseurs de l’Église l’intrépidité d’une foi profonde,
la fermeté inébranlable d’une espérance sûre de l’éternité, l’irrésistible
puissance d’une charité agissante. Que le saint temps du Carême et de Pâques,
qui prêche le renouvellement intérieur et la pénitence, qui plus que
d’ordinaire dirige le regard du chrétien vers la croix, mais aussi vers la
gloire du Ressuscité, soit pour tous et pour chacun de vous une occasion
joyeusement saluée, ardemment exploitée, de vous emplir le cœur et l’âme de cet
esprit d’héroïsme, de patience, de victoire qui rayonne de la croix de
Jésus-Christ. Alors, Nous en sommes certain, les ennemis de l’Église, qui
s’imaginent que leur heure est venue, reconnaîtront bientôt qu’ils s’étaient
réjouis trop vite et qu’ils avaient trop tôt pris en main la bêche du
fossoyeur. Alors le jour luira où, succédant aux hymnes de triomphe prématurés
des ennemis du Christ, s’élèvera vers le ciel, du cœur et des lèvres des
fidèles, le Te Deum de la délivrance : un Te Deum de reconnaissance envers
le Très-Haut, un Te Deum d’allégresse à la vue du peuple allemand tout entier,
même avec ses membres aujourd’hui fourvoyés, revenant à la religion, et, dans
une foi purifiée par la souffrance, ployant de nouveau le genou devant le Roi
des temps et de l’éternité, Jésus-Christ, se disposant enfin, dans la lutte
contre ceux qui nient Dieu et ruinent l’Occident chrétien, à reprendre, en
harmonie avec tous les hommes de bonne volonté de tous les peuples, la mission
que les plans de l’Éternel lui ont assignée.
55.
Celui qui sonde les cœurs et les reins5050
Ps 7,10 Nous est témoin que Nous n’avons pas de plus intime désir
que le rétablissement en Allemagne d’une paix véritable entre l’Église et
l’État Mais si – sans Notre faute – cette paix ne doit pas s’établir, alors
l’Église de Dieu défendra ses droits et ses libertés au nom du Tout-Puissant
dont le bras, même aujourd’hui, n’est pas raccourci. Confiant en lui,
« Nous ne cessons de prier et d’implorer »5151
Col 1,9 pour vous, enfants de l’Église, afin que soient abrégés
les jours de la tribulation et que vous soyez trouvés fidèles au jour du
jugement ; pour les persécuteurs aussi et les oppresseurs : afin que
le Père de toute lumière et de toute miséricorde daigne les éclairer, comme
Saul sur le chemin de Damas, eux et tous ceux, si nombreux, qui à leur suite se
sont égarés et demeurent dans l’erreur.
56.
Avec cette supplication dans le cœur et sur les lèvres, Nous
vous accordons, comme gage du secours divin, comme soutien de vos résolutions
difficiles et lourdes de responsabilité, comme réconfort dans le combat, comme
consolation dans la souffrance, à vous, évêques et pasteurs du peuple fidèle,
aux prêtres, aux religieux, aux apôtres laïques de l’Action catholique, et à
tous, oui, à tous vos diocésains – mais spécialement aux malades et aux
prisonniers – dans un paternel amour, la Bénédiction apostolique.
Du Vatican, dimanche de la Passion, 14 mars 1937.
13
3 Jn 4
14 2 P 2,2
15 Mt 13,25
16 Lc 22,32
17 Sg 8,1
18 Es 40,15
19 He 5,1
20 Tt 2,5
21 Lc 10,22
22 Jn 17,3.
23 1 Jn 2,23
24 He 1,1 ss
25 Ac 4,12
26 1 Co 3,11
27 Ps 2,4
28 1 Tm 3,15
29 Mt 18,17.
30 Lc 10,16
31 1 Co 9,27
32 Jn 3,8
33 Mt 3,9 ; Lc 3,8
34 Mt 4,10 ; Lc 4,8
35 Lc 12,9
36 Mt 16,18
37 He 11,1.
38 Rm 5,12
39 1 Co 1,23
40 1 Jn 3,1.
41 Ps 13,1 ss
42 Rm 2,14 ss
43 Cicéron, De officiis III,30
44 Mt 19,17
45 Ac 5,41.
46 Ga 1,9.
47 Rm 12,21
48 1 Co 9,24 ss
14 2 P 2,2
15 Mt 13,25
16 Lc 22,32
17 Sg 8,1
18 Es 40,15
19 He 5,1
20 Tt 2,5
21 Lc 10,22
22 Jn 17,3.
23 1 Jn 2,23
24 He 1,1 ss
25 Ac 4,12
26 1 Co 3,11
27 Ps 2,4
28 1 Tm 3,15
29 Mt 18,17.
30 Lc 10,16
31 1 Co 9,27
32 Jn 3,8
33 Mt 3,9 ; Lc 3,8
34 Mt 4,10 ; Lc 4,8
35 Lc 12,9
36 Mt 16,18
37 He 11,1.
38 Rm 5,12
39 1 Co 1,23
40 1 Jn 3,1.
41 Ps 13,1 ss
42 Rm 2,14 ss
43 Cicéron, De officiis III,30
44 Mt 19,17
45 Ac 5,41.
46 Ga 1,9.
47 Rm 12,21
48 1 Co 9,24 ss
1 R. d’Harcourt, « En Allemagne après l’encyclique » dans Études, t. 231, avril-juin 1937, p. 294
2 Cf. entre autres, J. Nobécourt, « L’encyclique Mit brennender Sorge», dans A. Grosser, Dix leçons sur le nazisme, pp. 131-154 ; Daniel-Rops, Un combat pour Dieu. L’Église des révolutions. 1870-1939, Fayard, Paris, 1963, pp. 413 et 518-533. G. Jarlot, Pie XI. Doctrine et action sociale (1922-1939), Université grégorienne, 1973. Il donne en outre la « version Faulhaber » du texte
3 J. Nobécourt, id., pp. 140-145 ; et surtout Jarlot, id., pp. 370-379
4 Les structures politiques chrétiennes – le Parti du Centre – se décomposèrent littéralement en quelques mois
5 Nobécourt, id., p. 141
6 Selon l’expression de Daniel-Rops (p. 522).
7 Cf. « La doctrine sociale du IIIe Reich », Dossiers de l’Action populaire, 25 avril 1937, pp. 891-924 ; cette étude est tout à fait remarquable ; sur l’eugénisme et les stérilisations, cf. pp. 8-10 (898-900).
8 Cf. les exemples de travestissements linguistiques donnés dans le texte indiqué note précédente. Ainsi pouvait-on lire dans Durchbruch : c’est « dans la galerie de nos maréchaux que Dieu s’est révélé à nous ; dans le sang et dans le sol, Dieu nous a donné ses deux sacrements… Adolf Hitler est à nos yeux le Rédempteur du peuple allemand. Ô Hitler, ton nom est notre foi… Prends notre vie, Fuhrer, prends-nous tout entiers ; prends notre corps, prends notre âme ; en tes mains, nous remettons notre destin » (Dossiers, id., p. 32).
9 Id., p. 23 ; cette étude montre bien précisément le caractère totalitaire du Reich allemand
10 De cet aveuglement, on pourrait multiplier les exemples, à commencer par les Juifs eux-mêmes
11 Auparavant, dès 1934, l’Église confessante, rassemblant les protestants résistants sous l’impulsion de K. Barth et D. Bonhœffer, avait publié la « Déclaration théologique de Barmen », contre le national-socialisme et contre les « Chrétiens allemands », partisans de Hitler
12 Cf. d’Harcourt, art. cité, sur les réactions en Allemagne : « L’accusé se fait accusateur, vieille tactique en vérité… Il ne se justifie pas, il attaque » (p. 294
49 Jn 18,9
50 Ps 7,10
51 Col 1,9
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